« Un certain Henri
Wallon en son siècle » (1812-1904)
Conférence de Bernard Ménager à
Valenciennes, le 14 mai 2018
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Lundi 14 mai 2018, l'Université du temps libre de Valenciennes,
présidée par Régis Boulant, a convié Bernard Ménager, agrégé d'Histoire
et professeur émérite de l'Université de Lille, à venir parler
d'Henri-Alexandre Wallon dans la grande salle de l'Auditorium
Saint-Nicolas. Le conférencier a relevé un défi de taille :
dérouler en une heure trente le quasi-siècle d'existence de Wallon, en
en soulignant les temps forts et en présentant la richesse et la
diversité de ses activités.
En effet, pour le grand public, Wallon c'est un amendement — et à
Valenciennes c'est un lycée. Bernard Ménager s'est donc attaché à
retracer l'ensemble de son parcours pour resituer l'homme « en son
siècle ». Il en a dressé six étapes, en mettant toujours en
perspective, dans une analyse très intéressante, les faits d'une époque
donnée et les décisions prises plus tard.
Par exemple, il souligne (chapitre « Les origines et la formation
[1812-1834] ») l'influence de son origine sociale et régionale sur
ses deux candidatures nordistes à la députation. Il insiste également
sur l'importance de ses rencontres universitaires (chapitre « La
construction d'une carrière universitaire [1834-1848] ») :
l'Abbé Rara professeur de Lettres, Michelet professeur d'Histoire,
Frédéric Ozanam, sans oublier la publication de son « Mémoire sur
l'esclavage » qui attire l'attention de Victor Schœlcher, qui sera
à l'origine de sa carrière politique.
Il voit dans la révolution de 1848 un événement de première importance
dans la vie de Wallon (chapitre « Le faux départ en politique sous
la Seconde République [1848-1850] ») qui se rallie à une
république pour autant qu'elle soit respectueuse de la légalité. Il se
présente à la députation, se fait élire en Guadeloupe à une place
laissée vacante par Schœlcher, mais démissionne pour protester contre
ce qu'il considère « une amputation du suffrage universel » —
dû à ses origines sociales, estime Bernard Ménager.
Le conférencier aborde alors son chapitre consacré à
« L'épanouissement de la carrière littéraire sous le Second
Empire » et le début de la IIIe République, écrits religieux,
ouvrages historiques, et entrée à l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres dès
1850. Il insiste sur la méticulosité de Wallon, qui va dépouiller six
cents cartons des Archives pour rédiger son ouvrage sur la Terreur.
C'est alors le moment décisif de sa vie (chapitre « Un retour
décisif en politique [1871-1875] »), celui qui va lui apporter la
notoriété. En 1848, rappelle Bernard Ménager, c'est Wallon qui frappe à
la porte de l'hémicycle ; en 1871, on fait appel à lui, et il
accepte par devoir. Élu à l'Assemblée nationale, il est très présent
dans les débats. Et s'il est l'auteur du fameux amendement voté à 353
voix contre 352, il ne faut pas oublier qu'il est également à l'origine
de tous les articles de la Constitution de 1875, qui durera jusqu'au
désastre de 1940. Il est également nommé ministre de l'Instruction
publique en 1875, pendant quelques mois. Par la suite Wallon entre au
Sénat (chapitre « Le crépuscule médiatique du Sénateur inamovible
[1876-1904] »), difficilement élu au 9e tour de scrutin. Il est
l'auteur de 129 interventions, dont 48 % concernent
l'enseignement, 29 % les libertés publiques.
Au terme de sa conférence, Bernard Ménager s'interrogeait :
pourquoi cet homme assidu, intègre, respecté par ses adversaires
politiques, cherchant des terrains de conciliation, est-il à ce point
oublié ? Peut-être parce que l'homme était modeste, mauvais
orateur, sans cette « aura » qui fait les grands hommes.
Peut-être aussi parce que, ayant adopté une position politique
centriste, il déplaisait à tout l'hémicycle.
Il n'aura pas déplu à l'auditoire du 14 mai à Valenciennes, public très
attentif qui a découvert avec étonnement les facettes méconnues d'Henri
Wallon « en son siècle ».