A Valentine WALLON-DELTOMBE « Paris le 7 janvier 1900 Ma chère Valentine, La durée fatigante des
audiences
de la Haute Cour ne m'a pas permis de répondre. J'avais pris pourtant
vos lettres pour le faire au cours de la séance, mais les plaidoiries,
discussions, appels nominaux ne me laissent pas un moment. C'est fini,
et tristement fini, quoique cela eût pu tourner plus mal. J'espère au
moins qu'après en avoir goûté, le Sénat en sera guéri pour longtemps et
que le gouvernement devra chercher d'autres moyens de sauver la
République.
Je n'ai pas vu Henri et André depuis leur retour. Je leur ai écrit pour les avoir demain à dîner avec Henri et Laure qui arrivent tout-à-l'heure de Rouen pour passer deux ou trois jours à Paris. Ils auront de la peine à se distraire parmi nous de la perte douloureuse qu'ils viennent de faire dans la personne de Mme CROSNIER, car nous partageons tous leur affliction. Madame CROSNIER était bien de la famille. Mais quel vide pour Laure et pour Madame RENARD aussi qui, elle, a des enfants pour la consoler ; et pourtant ces enfants eux-mêmes lui feront sentir ce qui leur manque. Laure a bien senti que nous ne pouvions pas être tous aux funérailles ; le trop grand éloignement des uns, les occupations forcées des autres étaient un empêchement insurmontable et elle a dû être touchée des marques de sympathie qui lui sont venues de toutes parts. J'ai écrit à Madeleine qui m'a adressé des vœux et à qui je ne puis souhaiter que de prier le Seigneur de la bien éclairer sur sa vocation ; je lui demande de nous donner une part dans ses prières, si dignes d'être exaucées de Dieu en venant d'un cœur si pur. Je remercie aussi mon cher Célestin des paroles qu'il a ajoutées à ta lettre et vous aussi, mes chères petites filles, de vos bonnes petites lettres, où votre affection pour moi se manifeste si bien. Je prie Dieu qu'il vous bénisse pour votre bonheur et celui de vos chers parents. Je ne parle pas d'Henri et d'André que je vais revoir travaillant courageusement à leur carrière. Je te remercie, ma chère Valentine, des nouvelles que tu me donnes de Douai. J'ai écrit à ta tante (Tante Charlotte BARDEDIENNE, sœur d'Hortense DUPIRE, première femme d'Henri) et à ta cousine (Jeanne BARBEDIENNE, comtesse MIMEREL) et j'ai reçu des lettres en réponse à mes souhaites. Ta tante a toujours son écriture de vingt ans. On ne peut croire qu'elle s'affaiblisse en voyant cette fermeté de main ; l'écriture de Jeanne se ressent de son infirmité ; pense-t-elle recouvrer un peu de cette santé jadis si belle et qui lui fait si cruellement défaut ? Je compatis, chère Valentine, à ta mésaventure de chemin de fer. Si au moins tu avais pris un rapide pour Paris, tu n'aurais pu manquer de continuer jusqu'au bout et de nous faire visite. Adieu, ma chère Valentine, je t'embrasse de tout mon cœur en vous renouvelant mes vœux pour vous tous, Ton père, H. WALLON Voudrais-tu, ma chère Valentine, remettre à Mme ROUSSEAU, à la prochaine occasion, ce mot que je lui écris en réponse à la carte affectueuse qu'elle m'a envoyée ? On me dit qu'elle a changé d'adresse. » |
Valentine Deltombe née Wallon (1849-1926) |
A Marie WALLON « Petites Dalles, 14 août 1901, Ma chère Marie, C'est des Petites Dalles
que je
te souhaite une bonne fête. Ta soeur Adèle a pu te voir ces jours
derniers et te donner de nos nouvelles. Elle t'aura témoigné, par sa
visite, qu'elle nous avait quittés beaucoup trop tôt. Jeanne pense que
la Sainte Vierge aura pu réserver pour sa fête ce qui est tant souhaité
par Anna et par nous tous. Si ce n'est le jour même, ce sera, nous
l'espérons bien, dans l'octave et le cher enfant restera, dans tous les
cas, sous son patronage.
Jeanne, qui va joindre sa lettre à la mienne, te donnera des nouvelles de la famille. Nous sommes ici, réduits à bien peu de monde après nous être trouvés réunis à remplir les deux maisons. Jeanne dans l'une avec ses deux filles, moi seul ici. Heureusement Jeanne qui avait craint devoir accompagner sa fille Adèle à Saint-Sauveur a maintenant l'espoir de la recevoir aux Petites Dalles ; et j'espère qu'Adèle ta sœur ne tardera plus à nous revenir. Tu as pu savoir qu'André et et Maurice WALLON ont été reçus au baccalauréat (1ère partie). Étienne n'attendait que cela pour faire, en famille, une tournée en Bretagne et j'ai su hier, par une lettre de Marguerite, que depuis vendredi dernier elle se trouve avec ses enfants à Bessens, près de Chambéry. J'ai reçu de S. Em. Le Cardinal PERRAUD une lettre fort affectueuse, comme à l'ordinaire, accompagnée d'un panégyrique de saint Philibert, un moine des temps mérovingiens, fondateur des abbayes de Jumièges et de Noirmoutiers, présenté par Ebroïn, maire du Palais, ce qui prêtait à un rapprochement avec la persécution des moines sous la République. Il y avait joint une lettre imprimée qu'il avait adressée, au cours de cette année, à Mgr. BRAND, évêque d'Annecy, à l'occasion de l'intervention, très énergique aussi, du vénérable prélat que l'Église de France vient de perdre en faveur des congrégations très menacées. J'apprends par les journaux que les projets de décrets rédigés ou revus par le Conseil d'État pour l'application de cette loi déplorable ne font que l'aggraver. Je ne comprends rien à l'empressement du gouvernement qui sacrifie tout à ses pires ennemis. Ici, nous avons eu une laïcisation de l'école des sœurs. J'ai présidé sur la demande de M. SERQUER à la distribution des prix dans l'école libre où il les a accueillies. Adieu, ma chère Marie, je me recommande, moi et tous les miens, en particulier Anna, à tes bonnes prières. Ton père, H. WALLON » |
Marie Wallon (1840-1904) Sœur Thérèse de Sales |