Henri Alexandre Wallon 1812-1904 Champion du Catholicisme Au 19e siècle Fabienne Wallon Mémoire de Maîtrise –
Juin 1983 INTRODUCTION
"Henri-Alexandre Wallon est le plus célèbre des inconnus. Personne
n'ignore son nom. Tout le monde ignore sa vie. Il est entré d'un pas ferme dans
l'Histoire vers la fin de l'après-midi du 30 Janvier 1875, à l'âge de 62 ans,
mais pour en sortir le même soir. Les contemporains et la postérité semblent ne
l'avoir sauvé de l'oubli que pour transposer à son attention une des répliques
les plus fameuses de Feydeau: " Vous êtes le père d'une Constitution? Et
bien, contentez-vous de cela. " "[1]. C'est en ces
termes que Mr. Maurice Schumann introduisait son discours prononcé à
Valenciennes à l'occasion du centenaire des lois constitutionnelles de 1875» le
11 Mai 1975. Henri-Alexandre
Wallon que l'on surnomma le "Père de la République", est en effet
l'auteur du célèbre amendement voté à une seule voix de majorité qui consacra
la forme républicaine de la Constitution et c'est à ce titre que l'on connait
son nom aujourd'hui. Il serait
pourtant dommage de ne retenir dans la vie de ce député que les quelques heures
passées à la tribune pour présenter son amendement. Henri-Alexandre
Wallon était un homme politique mais il fut avant tout un homme profondément
chrétien. Alfred
Croiset, son successeur dans le décanat de la Faculté des Lettres, et son
confrère à l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, le notait dans une notice
consacrée à Henri-Alexandre Wallon: " Le christianisme, était pour lui avant tout, une règle de vie, souveraine
et indiscutée. Il était chrétien "more majorum", simplement et
effectivement, comme Racine dans sa famille, où Rollin. (...) Dans les
assemblées, il ne suivit jamais d'autre inspiration que celle de sa conscience
chrétienne et de son lucide bon sens. (...) Au Sénat (...), M. Wall on prenait
la parole dans tous les débats qui intéressaient ou l'Université ou la
religion, les deux pôles de sa vie. "[2] Notre
dessein est ici de voir la place importante que tient la Religion dans la vie
d'Henri-Alexandre Wallon; l'homme que nous étudierons est avant tout un
catholique: la Religion est le fondement de sa vie. Dés sa
jeunesse, Henri-Alexandre Wallon est en contact avec deux milieux totalement
différents qui ont sans doute déterminés sa personnalité et sa force de
caractère. Il est en effet élevé dans un milieu à la fois hostile à la
Religion, par son Père, et profondément croyant et pratiquant par sa Mère. La
double appartenance de son milieu, à la fois catholique et démocrate posa sans
aucun doute des problèmes de conscience à Henri-Alexandre Wallon, notamment
vis-à-vis de son Père qui représentait la tendance libérale au sein de la
famille. Les; discussions concernant la Religion et la Foi ont été nombreuses avec
son Père. Cependant, il
n'hésita pas sur le choix à faire. Déjà, à l'âge de 17 ans il traverse une
crise du doute au cours de laquelle il envisage très sérieusement d'entrer dans
les ordres. Universitaire,
il défend l'enseignement et la religion catholique. De 1850 à 1875, son
attitude évolue vers le cléricalisme conservateur. En 1850, la position qu'il
prend à l'Assemblée Nationale satisfait les libéraux; quelques années plus
tard, en 1875, son point de vue concernant l'enseignement supérieur, à la faveur
des catholiques. La même année, sa position au Sénat en faveur de la Religion, surprend;
on le soupçonne d'être un clérical conservateur. Ecrivain, il
rédige des ouvrages historiques mais surtout, sous l'impulsion de son ami et
conseiller l'abbé Rara, il entreprend un travail apologétique de la Foi afin de
répondre aux attaques dont la Religion est 1'objet ; il souhaite défendre la
Religion contre le scepticisme: il entreprend un travail théologique fondé sur
la Bible et les Evangiles. Notre étude
fait essentiellement appel à des archives privées. Les descendants
d'Henri-Alexandre Wallon ont de tout temps été portés à connaître la vie de
leur aïeul. Les sources auxquelles nous avons puisé, sont, d'une part, la
correspondance d'Henri-Alexandre Wallon avec sa famille et avec l'abbé Rara, son
fidèle ami, et d'autre part, les écrits religieux, ouvrages et publications
d'Henri-Alexandre Wallon. Concernant
la correspondance avec sa famille, nous avons étudié un relevé de notes fait
par l'un de ses descendants avec beaucoup de précision et concernant la période
comprise entre 1808 et 1841. La
correspondance échangée avec l'abbé Rara, qui comprend plus de 400 lettres, a
été conservée par l'un des descendants d'Henri-Alexandre Wallon qui nous en a
très aimablement facilité la consultation. Il faut préciser ici que nous
possédons uniquement les lettres que l'abbé Rara adressaient à Henri-Alexandre
Wallon; l'abbé Rara
reprenait très souvent dans sa correspondance les
idées essentielles développées par Henri-Alexandre Wallon; nous pouvions ainsi
nous faire une idée du contenu des lettres de celui-ci. En ce qui
concerne les écrits d'Henri-Alexandre Wallon, nous avons laissé de côté les
ouvrages et les publications essentiellement historiques pour nous intéresser à
l'œuvre religieuse, à la fois théologique et apologétique. Notre étude
s'articulera autour de deux thèmes, tout en considérant la Religion comme ligne
conductrice. La première
partie concerne les années d'étude et de professorat et l'engagement militant
du chrétien. Nous verrons donc, l'étudiant au collège puis à l'Ecole Normale et
le professeur à Louis-le-Grand et Rollin, puis à la Sorbonne. Il s'agit ici de montrer le rapport étroit existant entre les choix de
l'étudiant et du professeur, et la Religion. Puis nous
aborderons le militantisme de l'Universitaire et du Chrétien: l'action
militante de l'Universitaire se révèle dans sa participation au débat sur
l'enseignement. Concernant le Chrétien, nous verrons son engagement religieux
dans une action militante plus sociale, au sein des Conférences de Paris et de
la Société de Saint Vincent de Paul puis, un engagement vécu dans l'intimité de
sa vie familiale. La deuxième
partie de cette étude s'attache à montrer l'engagement religieux
d'Henri-Alexandre Wallon à travers ses œuvres et ses écrits. Nous essaierons de
trouver quelles sont les motivations de l'écrivain: son goût pour l'Histoire, sa
motivation apostolique et son désir de faire un travail apologétique de la foi.
Nous étudierons ensuite les œuvres théologiques : deux Thèses rédigées en 1837»
les ouvrages qui concernent l'étude de la Bible puis ceux ayant trait aux
Evangile Enfin nous nous arrêterons sur l'œuvre plus apologétique, nous
intéressant plus particulièrement aux réponses qu'il fit à Mr. Renan et à Mr. Strauss. PREMIERE PARTIE " LES ANNEES D'ETUDE ET DE PROFESSORAT ET
L'ENGAGEMENT MILITANT DU CHRETIEN. " I - Les années d'étude et de professorat : leur rapport avec la religion : 1824-1881
1 - L'Etudiant : 1824-1834a- Le collège : 1824-1831Le jeune
Henri-Alexandre Wallon a passé les dix sept premières années de sa vie à
Valenciennes, lieu de résidence de ses Parents. Sa formation débuta au collège
des Jésuites fondé en 1591« Ce collège, oui avait périclité pendant la
Révolution et avait connu de nombreuses difficultés sous l'Empire et la
Restauration, avait retrouvé, alors que Henri-Alexandre Wallon y était élève,
tout son éclat du temps de la Monarchie de Juillet. Cette époque correspond au
ministère Frayssinous qui combattait vigoureusement les idées révolutionnaires
et manifestait l'intention d'éliminer les professeurs incroyants; ainsi les
collèges royaux avaient un caractère favorable à la Religion. Henri-Alexandre
Wallon y resta de 1824 à 1830, en qualité d'externe; il y fit ses deux classes
de grammaire, ses deux classes d'humanité et sa classe de rhétorique. Cette
dernière matière a pris une place importante tout au long de ses études car
Henri-Alexandre Wallon était déjà porté vers la Littérature et l'Histoire.
Déjà, en 1830, sa sœur Sophie lui reprochait son excès de travail : " Je sais bien ce que tu vas me dire, que tous tes instants sont
consacrés à l'étude, que tu n'as pas un quart d'heure à toi (...). Cette ardeur
pour l'étude est sans doute bien louable, mais poussée trop loin, je crois
qu'elle te serait plus '.nuisible qu'utile (...). Tu diras, si tu veux, que je
n'y entends rien, mais enfin, mon cher Henri, je crois qu'il en est de cela
comme de toute autre chose (...). "[3] Ses Parents
envisageaient une autre formation pour leur fils; afin de les satisfaire il
rentra en Octobre 1830 en mathématiques spéciales au collège royal de Douai. Sa
famille voulait le faire entrer à l'Ecole Polytechnique, alors summum de la
réussite. De plus la précarité des conditions de vie des Universitaires du XIXe
siècle, inquiétait ses Parents. Après avoir
accepté de les satisfaire quant au choix de ses études, Henri-Alexandre les
persuade de le laisser changer d'orientation. En effet il n'éprouve pas un goût
très marqué pour les sciences malgré la bonne tenue de ses résultats. En
Décembre 1830, il désire aller passer les fêtes de Noël à Valenciennes alors
que ses Parents avaient décidé de venir à Douai. Il leur écrit: " Vous ne me refuserez pas ce rare délassement au milieu de ces
études qui me deviennent de jour en jour plus fastidieuses et où vous m'avez
fourré contre tous mes désirs (...).[4] Il éprouve
un tel dégoût pour cette matière, qu'il ne s'y adonne pas entièrement,
préférant occuper ses soirées à faire du grec et du latin. Il renonce donc
aux mathématiques spéciales et intègre sa classe de philosophie au collège de
Douai; il rencontre finalement peu de difficulté de la part de sa famille, les
Normaliens représentant l'aristocratie de la société enseignante. Il est
inscrit au collège en qualité d'externe et loge chez sa sœur Sophie qui avait
épousé Mr. Jean Jannet, professeur de rhétorique au collège de la ville :
Henri-Alexandre Wallon se trouve ainsi placé dans un milieu favorable à la
culture et son beau-frère ne manque pas de le suivre dans ses études comme le ferait un père. Après des
études brillantes au cours desquelles il remporte de nombreux prix,
Henri-Alexandre Wallon est reçu bachelier ès-lettres en Juillet 1831. Il envisage
alors de se présenter à l'Ecole Normale. b - L'Ecole Normale : 1831 -1834Pour
intégrer l'Ecole Normale, il faut se faire recommander et passer le concours
d'entrée. Celui-ci est composé de deux parties: un examen qui a lieu au mois
d'Août dans l'académie du candidat puis, au mois de Septembre un examen se
tenant à l'Ecole Normale. Au concours d'académie Henri-Alexandre. Wallon est
reçu premier. Il raconte alors à son père sa visite chez le directeur de
l'Ecole Normale: " Je sors de chez lui. Après avoir lu la lettre de Mr. le Recteur
il me dit que cette lettre était très flatteuse pour moi " d'ailleurs,
ajouta-t-il, je ne m'en étonne pas; nous nous connaissons déjà: vous avez été
reçu le 1er, ce qui est d'autant plus flatteur pour vous qu'il y en a sept des
collèges royaux de Paris qui ont été reçus après vous. "[5] Le
classement définitif ne se fait qu'après des examens vérificateurs; il perd
alors sa position de premier et obtient la sixième place. Après les
examens, la liste des élèves est présentée à la nomination du Roi, ce qui fait
l'objet d'une ordonnance communiquée ensuite officiellement aux élèves par le
Directeur. En Octobre 1831,
Henri-Alexandre Wallon apprend qu'il est admis à l'Ecole en qualité d'élève. Il
intègre ainsi à l'Ecole Normale à l'âge de 19 ans pour une période de trois ans
qui représente une longue séparation pour sa famille et lui-même, période
durant laquelle il est en contact avec un nouveau milieu. Se pose
alors pour lui le problème du choix de la branche qui lui conviendrait le
mieux. Il envisage l'étude de l'Histoire; il est intéressant de noter les
remarques qu'il fait alors à son beau-frère car elles révèlent ses
préoccupations d'étudiant, les mêmes que nous rencontrerons tout au long de sa
vie d'universitaire et d'écrivain: " (...) mon goût me porterait plutôt vers l'histoire, dont
l'enseignement me semble plus amusant, et de plus, une considération plus
puissante pour moi, c'est que je pense qu'il est important que l'histoire ne
soit point professée par des gens de toute opinion (...). "[6] Une lettre
adressée à ses Parents montre sa détermination : " La chaire d'histoire est très glissante! Mes opinions
religieuses sont bien fixées; quand je m'occuperai de politique elles ne le
seront pas moins sur ce sujet, et je ne/serai pas disposé à en changer pour le
1er gouvernement venu. "[7] En 1833, alors
en troisième année à l'Ecole Normale, il écrit son attirance pour l'Histoire, en
précisant : " Toutefois il y a une histoire bien plus intéressante encore et
que j'étudierai même avant l'histoire de mon pays, c'est l'histoire de
l'Eglise. Et ce n'est pas pour moi seul que ces études doivent avoir de
l'intérêt. Je pense qu'elles sont les plus importantes, l'une dans l'histoire
de France, l'autre dans l'histoire de l'humanité. Ce n'est donc pas seulement
comme flamand et comme catholique, c'est comme français et comme homme que je
m'y adonnerai avec tant de plaisir. "[8] Le principal
de ses études est fait d'Histoire, de philosophie et de littérature. En Juillet
1832, Henri-Alexandre Wallon passe avec succès le baccalauréat ès-sciences
(physiques), bien que cela ne soit pas une obligation. Au début de
sa deuxième année il désire suivre des cours de Droit à la Faculté; pourtant le
travail fournir à l'Ecole Normale est déjà conséquent. En Novembre 1832, il est
reçu licencié ès-lettres; il pense à son sujet de thèse qu'il doit préparer en
troisième année, année de spécialisation (1833) En 1834, il
est reçu premier à l'agrégation. La même
année, au mois d'Octobre, il est nommé Professeur d'Histoire au collège
Louis-le-Grand. Henri-Alexandre
Wallon a ainsi passé trois ans d'études à l'Ecole Normale, école réputée pour
sa grande valeur intellectuelle et pour l'éminence de ses professeurs. Parmi
ceux-ci, il en est qui constituent une sorte de monarchie: Guizot, Cousin, Villemain,
tous trois peu favorables à la religion. A l'Ecole, règne les idées de Cousin, de
Jouffroy.et des hommes du Globe; il existe aussi un mouvement intellectuel
formé de gens comme Ernest Havet, Emile Saisset, Victor Duruy, Jules Simon, que
Henri-Alexandre Wallon refuse de suivre car ce mouvement est l'illustration de
la philosophie critique et négative. De toute façon, le contexte politique
n'est guère favorable à la religion catholique. Après avoir
vu quelle était la formation de l'étudiant, voyons maintenant quelle fut la
carrière du professeur. 2 - Le professeur : 1834 - 1887a - Louis-le-Grand : 1834-1841. Rollin : 1842-1846Sa place à
sa sortie de l'Ecole Normale et l'intervention de Mr. Michelet auprès du
Ministre en sa faveur, ont contribué à cette nomination. A cette
occasion, il reçoit une lettre de son ami Mr. Bernard (prêtre du diocèse de
Cambrai et par la suite vicaire général): " Que votre mission est belle d'aller prêcher la religion, vous, jeune,
laïc dans un collège tenu autrefois par des religieux célèbres, et où a étudié
Voltaire. Hélas! L’esprit de ce dernier est resté dans la maison, les plus
jeunes en sont déjà tout infectés, mais vous avez l'esprit des anciens maîtres
de la maison (...) Mais de quelle prudence chrétienne n'avez-vous pas besoin pour
ne pas heurter les préjugés de ceux-ci de qui vous dépendez tout en enseignant
la simple et pure vérité (...). Je suis sûr qu'on vous enverrait à l'île de
Corse plutôt que de vous faire modifier le plan que vous vous êtes tracé. "[9] La tâche de
professeur n'est pas aisée; à Louis le-Grand, Henri-Alexandre Wallon est chargé
des classes de quatrième, cinquième, sixième, en tout 250 élèves, parfois
indisciplinés. Pour des
élèves si jeunes, les cours d'Henri-Alexandre Wallon étaient austères. Pour les
cours qu'il dispensait à Louis-le-Grand, un inspecteur notait en 1836 " Agrégé ordinaire. M. Wallon, nommé à cet emploi, à sa sortie de
l'Ecole Normale, en 1834, a besoin d'acquérir encore de l'expérience pour
réussir complètement. Son zèle et son instruction n'ont, du reste, jamais été
mis en doute."[10] Deux ans
plus tard, le rapport d'inspection est plus encourageant: " Mr. Wallon est chargé des cours de 6ème et de 4ème. Le
proviseur lui rend justice. Il trouve que ce jeune professeur s'est formé
depuis deux ans, qu'il est maintenant plus adroit, d'une sévérité moins brusque
et moins irritante. Ses cours sont très bien faits. M. Wallon paraît donc
mériter de l'avancement (...)."[11] Dans le
courant du printemps 1837, il avait été question de désigner Henri-Alexandre
Wallon pour la place de professeur suppléant à la chaire d'Histoire de l'Ecole
Normale, car Mr.Michelet l'abandonnait
pour une chaire au Collège de France. Mr. Michelet voulait placer Henri-Alexandre Wallon qu'il considérait comme l'un de
ses disciples. Mr. Cousin, qui était à couteaux tirés avec l'historien lui
refusa cette faveur (Mr. Filon succèda ainsi à Mr. Michelet ). D'autres raisons renforçaient Cousin dans sa
position: il s'était auparavant prononcé contre le principe des suppléances et
surtout, il n'appréciait pas les idées trop arrêtées d'Henri-Alexandre Wallon
ainsi que les thèmes développés dans sa thèse de licence " du droit
d'asyle " soutenue en 1837« Il lui reprochait d'adhérer de trop près aux
idées de Michelet.[12] Henri—Alexandre
Wallon envisage au mois de Mai 1838 de concourir pour un prix de l'Institut; il
souhaite traiter le sujet de l'Académie des Sciences Morales : " de
l'abolition de l'Esclavage ". Ce travail lui permet d'obtenir en 1839 le
prix de l'Académie des Sciences Morales et Politiques. Il approfondira cette
étude sous la forme d'un ouvrage " Histoire de l'esclavage dans l'Antiquité
".[13] En Novembre 1838,
Henri-Alexandre Wallon obtient enfin la place de suppléant qu'il désirait à
l'Ecole Normale: il est chargé des cours d'Histoire Ancienne. Cela représentant
un travail important, il envisage de se faire remplacer pour ses cours à
Louis-le-Grand; ce n'est qu'en Octobre 1841 qu'il obtient du Proviseur d'avoir
un suppléant pour les deux classes de quatrième et les deux classes de sixième,
lui-même se chargeant encore de la rhétorique. Il cherche
aussi à obtenir sa titularisation à l'Ecole Normale. Celle-ci lui est refusée
en Décembre 1840; il ne l'obtiendra que deux ans plus tard, en Janvier 1842,
date à laquelle il devient maître de conférences à l'Ecole Normale. Au mois de
Mai 1840, Mr. Cousin demande à Henri-Alexandre Wallon de se présenter au
concours d'agrégation des Facultés de Paris. Henri fait part à sa sœur Sophie
des termes employés par Cousin: " Mr. Cousin m'a adressé une lettre officielle et personnelle
dans ces termes (...), les expressions ne me laissent point de doutes sur la portée
de cette lettre (...). " Je désire vivement que vous vous y présentiez et
ne crains pas de faire appel, en cette circonstance, au zèle dont vous vous
êtes montré animé pour le progrès des hautes études historiques etc...."
Cette invitation amorçante était un ordre formel je le savais bien, et M.
Guigniaut, à qui j'étais allé demander conseil hier, m'en a -d'ailleurs donné
le commentaire. Il avait vu M. Cousin vendredi et il a eu beau me défendre à
cause de tout ce que j'ai à faire, M. Cousin n'entend rien (...). Il a, m'a dit
M. Guigniaut, besoin de moi, pour qu'il y ait un concours, car pour l'Histoire
il n'a guère trouvé encore de concurrents. Or que serait-ce si personne ne se
présentait? Ce serait un mépris public pour une institution à laquelle il
rêvait depuis plusieurs années (...). "[14] Il se
présente donc à ce concours et est reçu premier le 28 Septembre 1840; une seule
place a été donnée pour l'Histoire. En Décembre 1841,
Henri-Alexandre Wallon est agréé par le directeur du collège Rollin comme
professeur d'Histoire; il aura cinq classes à sa charge. Le rapport
d'inspection nous renseigne sur ses cours: " Les élèves confiés à M. Wallon ne peuvent que gagner à
l'écouter et à marcher dans les voies qu'il leur indique. Il lui manque
toutefois une des qualités qui distinguaient si éminemment son prédécesseur, le
don d'entraîner, de faire aimer le travail. La parole de M. Wallon, toujours
sûre, toujours grave, est peu communicative: il est plus à sa place à l'Ecole
Normale, entouré de jeunes gens que le sentiment du devoir et les exigences de
leur avenir attachent aux études sérieuses, que dans un collège et au milieu
d'élèves dont les plus grands ne sont toujours que des enfants qu'il faut
stimuler, intéresser, récompenser ou punir. Les résultats obtenus sont
toutefois satisfaisants (...). "[15] Il enseigne
dans ce collège jusqu'en 1846, date à laquelle il obtient la suppléance de la
chaire de Mr. Guizot à la Sorbonne. b - Le professeur suppléant à la SorbonneEn Janvier
1846, la suppléance de la chaire de Mr. Guizot à la Sorbonne, lui est proposée;
Mr. Guizot est appelé au gouvernement par Louis-Philippe. Cette
promotion prend effet le 23 Avril 1846, date effective de sa nomination de
suppléant. Ainsi, il
devient professeur suppléant à la Sorbonne, dans la chaire d'Histoire moderne
de Mr. Guizot; Henri—Alexandre Wallon avait rencontré bien des vicissitudes
pour être chargé de ces cours où il fera œuvre d'érudit. Au début de l'année il
avait fait part de ses difficultés à l'abbé Rara qui lui avait répondu ceci: " Si (...) la place vous est offerte par M. Guizot à qui
appartient le droit de présenter son suppléant, je crois que vous ferez bien d'accepter.
L'interruption momentanée de votre travail ne me paraîtrait pas une raison
suffisante pour refuser une place où il importe beaucoup qu'on ne mette pas un
homme ennemi de l'Eglise de Jésus-Christ, ou tout au moins indifférent. Les
chaires d'histoire qui devraient faire tant de bien, font au contraire beaucoup
de mal, parce que les Professeurs ne connaissent que très imparfaitement
l'histoire de la religion. (...) Je continuerai à demander à Dieu avec vous,
qu'il dirige cette affaire pour sa gloire, et pour votre avantage particulier. "[16] Les idées
d'Henri-Alexandre Wallon concernant les rapports entre la Religion et
l'enseignement de l'Histoire sont les mêmes que celles de l'abbé Rara; nous verrons
en effet les digressions religieuses que ne manque pas de faire Henri-Alexandre
Wallon pendant ses cours. Il n'est
resté que deux ans à ce poste car les événements de 1848 ont quelque peu
bouleversé le monde universitaire; ainsi le cours de Mr. Guizot fut supprimé. Au
mois de Novembre il est rétabli dans sa chaire et, en Novembre 1849, il est
titularisé sur présentation de la Faculté et du Conseil Académique. Il
enseignera jusqu'en 1887. Peu de
documents nous renseignent sur le contenu des cours d'Henri-Alexandre Wallon. Toutefois,
nous pouvons noter que la Religion y trouve sa place. Henri-Alexandre Wallon a
une grande conscience de ce que représente la Religion au sein du monde
enseignant. Il a pour objectif de développer le sens religieux de ses élèves. Il
écrit à son Père: " Je voudrais, mon cher papa, que vous soyez parmi les élèves de
l'Ecole Normale, Vous verriez comme toutes ces questions sont prises au sérieux
et quel retour il y a dans ces esprits réfléchis vers les opinions religieuses.
Je voudrais que vous y voyiez comment les leçons où je démontre l'authenticité
de la loi de Moïse, la nécessité des miracles comme grand moyen de
démonstration de la Providence pour établir le culte parmi les hommes sont reproduites
et enrichies d'observations venant de l'élève même (...) ! "[17] Le Larousse
du XIXème siècle et les rapports d'inspection nous permettent de préciser la
teneur des cours dispensai par Henri-Alexandre Wallon à la Sorbonne: " Wallon n'a pas jeté comme historien un vif éclat. Les cours
d'histoire qu'il fit à la Sorbonne étaient dépourvus de tout intérêt, absolument
insipides et pour cette raison très peu fréquentés. Ce professeur de faculté
faisait des leçons qui étaient à la hauteur d'une bonne classe de septième. "[18] Ce jugement
sévère est nuancé par des rapports d'inspection plus élogieux; son enseignement
est jugé peu animé mais puisé aux meilleures sources, inspirant aux auditeurs
le goût des recherches savantes et leur donnant une bonne méthode historique.
L'auditoire est souvent peu nombreux mais fidèle; il se trouve en face d'un
historien érudit qui ne met pas la compréhension de l'Histoire à la portée de
tous: c’est la précision de ses cours qui les rend ardus. Certains
rapports d'inspection notent les digressions religieuses des cours
d'Henri-Alexandre Wallon, digressions sur le christianisme, sur les systèmes
qui ont nié le caractère divin de cette religion. En Mars
1855, un inspecteur note ceci: " J'ai déjà signalé la voie où M. Wallon s'engage en-dehors de
son programme qui est la formation des peuples modernes. Les trois dernières
leçons ont été employées à commenter St Luc (...) tout cela pour démontrer la
vérité des Saintes Ecritures. Si M. Wallon, traçant à grands traits la vie de St Paul, ou les
premiers développements du christianisme, il n'y aurait pas trop à se plaindre
de ses digressions, elles intéresseraient le public, mais quand ce professeur
prend un verset du Nouveau Testament, pour discuter longuement, avec une
érudition de Bénédictin, les objections faites sur tel ou tel mot du texte, cela
n'est ni conforme au programme du cours ni profitable au public (...) 45 ou 50
auditeurs, dont aucun ne prend des notes . "[19] D'autres
rapports datant de la même année, notent de semblables digressions sur le
christianisme, mais, évoquent une salle pratiquement pleine soit plus d'une
centaine d'auditeurs, venus pour suivre des cours exactement faits. L'enseignement
d'Henri-Alexandre Wallon fut donc caractérisé par un souci de recherches,
d'érudition et de précision; retenons également le caractère tolérant et
libéral de cet enseignement. Dans la
notice qu'il a consacrée a Henri-Alexandre Wallon, Alfred Croiset se souvient
d'une réflexion de Mr. Jules Girard ancien élève d'Henri-Alexandre Wallon en
classe de quatrième à Louis-le-Grand; cet élève avait conservé un excellent
souvenir de son enseignement: " C'était, me disait-il, un professeur consciencieux, clair, intéressant.
Celui qui devait être un jour l'un des hommes en vue de la troisième
République, avait commencé par enseigner à des enfants de quatorze ans l'histoire
romaine de manière à la leur faire aimer. C'est qu'il avait à un haut degré les
qualités professionnelles et personnelles qui formaient alors l'idéal du
professeur de collège. Nous tous, qui ne sommes plus des jeunes gens, nous
avons connu beaucoup de ces universitaires à l'ancienne mode, vrais religieux
laïques, même quand ils étaient voltairiens; foncièrement libéraux et un peu républicains,
même quand ils étaient catholiques; (...); qui avaient le culte des classiques anciens
et modernes;(...); qui mettaient au-dessus de tout la netteté de la
composition, la probité simple du style, l'honnêteté des pensées, la rectitude
modeste de la vie, et qui goûtaient, dans Horace ou dans Virgile, les choses
autant que les mots. (...) M. Wallon, avec son bon sens calme et lucide, son
esprit amoureux du détail exact, sa méfiance des idées générales ambitieuses,
sa route tracée d'avance en ligne droite, était un exemplaire achevé de cette
sorte d'universitaire. "[20] Voyons dès
lors si les caractéristiques de l'enseignement d'Henri-Alexandre Wallon se
retrouvent dans la position qu'il adopte dans la querelle entre le clergé et
l'Université et qui consacre les premiers pas de l'engagement plus militant du
Chrétien. II - L* action militante de l'Universitaire et du Chrétien1 - Le débat sur l'enseignementTout au long
du XIXème siècle, l'Eglise mène un combat incessant contre le corps enseignant;
tout en dénonçant les errements " théologiques " de 1 ' Université,
elle contribue aux progrès de l'enseignement confessionnel. Les catholiques de
France revendiquent la liberté d'enseignement à 1'encontre du monopole
universitaire. Dès la chute de l'Empire, l'université est rejetée dans le camp
de l'athéisme, de l'irréligion et de la corruption; elle apparaît comme
puissance rivale du clergé. Les coups
portés à l'université se succèdent à un rythme rapide; la question du monopole
devient un problème national et crée un malaise profond dans le milieu
universitaire qui apparaît alors comme un foyer d'irréligion et d'athéisme. Ce
conflit qui oppose la Foi et la Raison se déroule en trois étapes: -
1833 : Loi Guizot sur l'enseignement primaire. -
1850 : Loi Falloux sur l'enseignement secondaire. -
1875 : loi concernant l'enseignement supérieur. Voyons
quelle fut la position d'Henri-Alexandre Wallon dans ce débat. a - Position de l'universitaire dans le débat sur l'enseignement.Henri-Alexandre
Wallon fait partie de la minorité qui souhaite maintenir à la fois l'enseignement
laïc et l'enseignement religieux. Avec
Montalembert et Lacordaire, il est pour la liberté de l'enseignement mais il en
redoute les abus; c'est pourquoi en 1850 il insiste sur la nécessité du
maintien des grades pour ouvrir une école. Ainsi, dans
sa défense du corps universitaire, il adopte une politique libérale, conciliante,
et rejoint les catholiques libéraux qui prônent la défense des libertés. En 1833,
alors étudiant il se réjouit de la loi Guizot, ministre de l'Instruction
Publique. En 1850, il
fait son entrée dans la politique en prenant la défense de l'université. En 1875,
nous remarquons son changement d'attitude dans l'accomplissement de la liberté
de l’enseignement. - 28 Juin 1833 : La loi Guizot.Peu de
documents nous permettent d'éclairer de façon complète la position d1
Henri-Alexandre Wallon au sujet de l'organisation de l'enseignement primaire.
Cependant ceux, peu nombreux que nous possédons, nous montrent son approbation
pour cette loi. Les
dispositions de cette loi visaient surtout à dissiper la méfiance de l'Eglise; chaque
commune devait entretenir une école publique, et chaque département devait
ouvrir une école normale primaire, moyen de formation des instituteurs. Les
programmes fixés par le ministre, devaient prendre en considération une
instruction morale et religieuse. Des écoles privées peuvent exister comme
appoint à côté des écoles publiques. Cette loi a
pour effet de relever le niveau intellectuel des instituteurs et l'effectif
scolaire mais, l'Eglise et les instituteurs sont en concurrence. Henri-Alexandre
Wallon qui approuve le fait que chacun puisse élever ses enfants comme il le
souhaite, se dit satisfait de cette loi. Au sujet du
projet de loi relatif à l'enseignement secondaire, une discussion orageuse
s'engage entre les partisans et les rivaux de l'université allant même jusqu'au
procès de l'université. Les
catholiques reprochent à celle -ci la variété d'opinions admises en son sein et
font objection à l'enseignement des professeurs qui s'expriment avec une grande
liberté sur l'Eglise et qui sont très éloignés de la foi chrétienne. - 1836 - 1850 : Le procès de l'Université.Ce procès se
déroule à une époque où l'Université apparait comme un foyer d'irréligion et
d'athéisme; c'est pourquoi le clergé met en garde les fidèles contre les
dangers de l'enseignement universitaire. C'est avec
une ardeur passionnée que partisans et adversaires du monopole universitaire se
livrèrent combat dans la presse et dans les Chambres. Plusieurs projets de loi
furent présentés puis retirés. (Projet Guizot-1836 - Projet Villemain-1841. ). Dans la presse,
«La Quotidienne", "La Gazette de France", "La France",
et "La Patrie", soulignent les inquiétudes du clergé devant la
corruption de l'enseignement public. "L'Ami de la religion" s'efface
davantage. Au contraire, "L'Univers", animé par Louis Veuillot engage
une polémique contre l'université, dénonçant les abus du monopole, et
l'athéisme de l'enseignement en général donné dans les collèges, ainsi que
l'irréligion du corps enseignant. Les
adversaires du monopole revendiquent " la liberté promise par la charte
"; la liberté de l'enseignement, et s'efforcent de dresser l'opinion
catholique contre l'université. A leur tête, Montalembert fonde un comité de
défense de la liberté de l'enseignement; dans une brochure intitulée "le
devoir catholique", nous lisons ceci: " (...) conserver ce qui reste du catholicisme en France et
fortifier par tous les moyens légitimes l'empire purement moral de la religion
sur les individus et sur les familles, est un devoir impérieux pour les
catholiques et ils ne peuvent l'accomplir qu1 en obtenant la destruction du
monopole de l'Université. (...) La liberté ne se reçoit pas, elle se conquiert.
"[21] Les
défenseurs de 1'Université, et, parmi eux, Henri-Alexandre Wallon, contre-attaquent
brillamment. Les professeurs manifestent leur réprobation devant les attaques
dont l'Université est l'objet; Ozanam notamment a gagné à ses idées d'anciens
élèves de l'Ecole Normale. Dans le
monde universitaire, la crise de Juin 1848 a un profond retentissement et, de
Juillet 1848 à Mars 1850, les difficultés s'aggravent. En effet, la
propagande anti-universitaire se déchaîne à nouveau et les projets d'une loi
relatifs à la liberté de l'enseignement se précisent, sous le ministère du
Comte de Falloux (20 Décembre 1848- 30 Septembre 1849). En Janvier
1849, Falloux, ministre de l'Instruction Publique et du Culte, constitue une
commission d'enseignement pour réformer la législation universitaire. Parmi ses
membres se trouvent Cousin, Dubois s et Thiers, alors que Montalembert et
Dupanloup défendent la cause catholique. La loi
Falloux fut discutée par l'Assemblée législative et, face aux accusations de
Montalembert contre les professeurs, Henri-Alexandre Wallon se porte, sans
rancune malgré les attaques qu'il avait subies de -i' certains universitaires, au
secours de l'Université en déposant un contre-projet. Cette contre-offensive se
solde par un échec puisque le projet de loi est finalement voté. Voyons plus en
détail le rôle joué par Henri-Alexandre Wallon dans cette discussion. Sa
position illustre une grande prise de conscience de ce que représente la
Religion au sein du monde enseignant. - 19 Janvier 1850 : H.A.WALLON à l'Assemblée Nationale.Sa position
est originale, en ce sens qu’il tente de concilier l'Eglise et l'Université. Il
veut une Université libre de toute influence où les idées religieuses et
laïques pourraient se concurrencer librement en respectant les positions de
chacun. Il adopte donc très nettement une position libérale qu'il maintiendra
en votant contre la loi Falloux. Le contenu
du discours qu'il prononce a la tribune, nous permet de voir quelle est sa
position dans ce débat.[22] Il se trouve
en position d'Universitaire appartenant à la majorité face à Mr. de
Montalembert et à Mr. Thiers: " Quand je vois les hommes avec lesquels j'aime le plus à marcher
former comme une sainte ligne contre un corps naguère défendu par eux, quand
j'entends ces grands mots d'ordre social menacé, de salut public, apportés à
cette tribune, je me sens, moi qui suis tout à la fois de la majorité et de l'Université,
quelque peu interdit, et je me prends à me tâter avec inquiétude pour voir si je
suis en effet un aussi grand ennemi de moi-même qu'on le dit autour de
moi."[23] Il demande
ensuite l'indulgence de l'Assemblée face à son inexpérience de la tribune, et
il s'en prend à Mr. de Montalembert qui voit en l'Université la source de tous
les maux: " L'Université est pour lui le bouc émissaire de la situation. (...)
Il a déposé contre elle à cette tribune une accusation de haute trahison. Il a
dit que l'Université avait livré à l'ennemi la jeunesse qui lui était confiée (...)
[24] Il poursuit
: " D'accord avec M. de Montalembert sur le mal, je ne le suis donc
pas sur la cause du mal. D'accord aussi avec lui sur le remède, je ne le suis
pas précisément sur les moyens de l'appliquer. "[25] Henri-Alexandre
Wallon attaque la loi au nom de la liberté de l'enseignement et des intérêts
religieux qu'elle compromet en croyant les servir. Il s'oppose
aux subventions, qui sont un privilège accordé aux écoles libres: " (...) Quant à l'instruction secondaire, il en est parlé à
peine; il en est trop parlé, peut-être: sur quatre-vingt-sept articles, il y en
a cinq qui concernent les écoles publiques secondaires. Dans les deux premiers,
il est dit qu'il y aura des lycées et des collèges communaux, et, dans les
articles suivants, on donne les moyens de supprimer les internats des lycées
nationaux, de supprimer les collèges communaux eux-mêmes, en les remplaçant par
des établissements privés subventionnés."[26] Concernant
la collation des grades, il reproche à la loi d'être un code général de
l'enseignement : " (...) le fond de la loi ne me paraît pas être l'organisation, comme
l'a dit M. Thiers, mais la désorganisation, comme l'a dit M. Dupanloup; tout me
semble sacrifié, je ne dirai pas à un intérêt sérieux, mais à un parti. "[27] Poursuivant
son discours, il répond à Mr. L’Evêque de Langres qui considérait l'Université
comme un corps irréligieux: " (...) L'Université n'est pas, comme l'a dit M. L’Evêque de
Langres, une église antichrétienne, c'est la sœur du concordat; la même main
qui rendait au clergé les églises, ouvrait ces écoles au sein desquelles les
préceptes de la religion catholique étaient donnés pour base à l'enseignement.
C'est là la loi de l'université; et c'est au ministère de l'instruction
publique de veiller à ce que cette loi soit observée, tout en tenant compte de
ce qu'exige le principe de la liberté des cultes à l'égard des dissidents. "[28] Henri-Alexandre
Wallon réclame ensuite l'association de l'enseignement religieux et de
l'enseignement classique; c'est une association de droit: " (...) la religion n'est pas à vous; elle est à la société toute
entière, et vous n'en êtes les ministères que pour la distribuer à tous. Fondez
librement des écoles mais n'établissez pas entre vos écoles et les nôtres un
partage qui n'existe pas. (...) l'université veut, comme vous, faire de la
religion le fondement de l'éducation; elle le veut parce que c'est son droit
comme c'est son devoir. A cette fin, elle vous demande des ministres, parce que
c'est votre droit de donner cet enseignement; mais si vous les lui refusez, vous
manquez à tous vos devoirs envers Dieu et envers la société. "[29] Henri-Alexandre
Wallon veut la liberté de l'enseignement; il la veut non pas seulement en droit,
mais en fait. Il veut qu'il y ait beaucoup d'écoles libres, par respect pour le
droit des pères de famille qui peuvent n'avoir pas confiance dans les écoles de
l'Etat. Notons que
les fils d'Henri-Alexandre Wallon ont
été formés au collège Sainte Barbe, institution libre mais non d'obédience
religieuse. Il veut la
liberté et la réorganisation de l'instruction publique en y étendant
l'influence religieuse sans aliéner les droits de l'Etat. La liberté comme il
l'entend doit être aussi large que possible. Il conclut
enfin en disant qu'il refuse le projet de loi présenté car il ne lui paraît pas
réaliser les principes qu'il a posés: " Il veut la liberté de l'enseignement, et ne lui assure pas ses
vraies garanties; il veut l'extension de l'influence religieuse dans les écoles
de l'Etat, et la compromet par des faveurs que le clergé, assurément ne
demandait pas. (...) On dit que c'est une transaction, que c'est un concordat: Eh
bien, messieurs, permettez-moi de vous le dire, cette transaction me paraît être
un contrat léonin. "[30] Le 15 Mars
1850, le projet de loi est adopté à une écrasante majorité. La loi passe pour
réaliser la liberté d'enseignement en ce qu'elle limite le monopole de
l'université et accorde la faculté d'enseigner à tous les individus dans les
mêmes conditions, et même aux sociétés religieuses, sans distinction entre
congrégations autorisées ou non autorisées. Toutefois, elle
ne concède pas une liberté illimitée, et, dans son application on ne peut pas vraiment
parler de liberté d'enseignement. L'Université
d'Etat perdait le monopole de l'enseignement secondaire, cependant elle garde
la surveillance des examens et la collation des grades. Désormais, on
pouvait ouvrir librement des écoles à condition que le directeur eût le
baccalauréat (pour une école secondaire) ou le brevet (pour une école primaire).
L'appartenance à un ordre religieux dispensait des diplômes et ceux-ci étaient
remplacés par des attestations de leurs supérieurs. A cette
mesure de liberté s'ajoutait l'établissement du contrôle des autorités
ecclésiastiques. De plus les instituteurs publics étaient nommés non par les autorités
universitaires, mais par les préfets. Le résultat
fut un accroissement considérable de l'influence de l'Eglise sur l'enseignement
et le développement de l'enseignement libre. Il en résulte un dualisme entre
l'Université et l'enseignement libre; c'est pourquoi au sein du monde
universitaire se développe, dés 1863, la volonté d'affirmer l'indépendance de
l'enseignement supérieur. Malgré l'accord de Mr. Victor Duruy (Ministre de
l'instruction publique - 1863-1869), le Sénat impérial craignant pour l'unité
nationale refusa cette proposition en 1868. Nous voyons
donc dés cette date se profiler un nouveau combat; il concerne la liberté de
l'enseignement supérieur. Alors qu'en
1850, cette liberté était compromise par l'Eglise, en 1875» la menace se trouve
dans le camp des anticléricaux qui veulent le monopole de l'Etat. Henri-Alexandre
Wallon, alors Ministre de l'Instruction Publique, des Beaux Arts et des Cultes,
(10 Mars 1875-9 Mars 1876), se trouve alors dans une situation fort délicate.
La IIIe
République confie à son Père, le Père de la Constitution* le portefeuille du
Ministère de l'Instruction Publique, des Beaux-Arts et des Cultes. (Ministère
BUFFET). Caricature de Cham parue dans "Le Charivari" du 13 Mars
1875-Bibliothèque Nationale. b La liberté de l'enseignement supérieurLa position
d'Henri-Alexandre Wallon dans ce débat est celle d'un ministre qui parle au nom
de l'Etat, d'un universitaire qui, une fois encore souhaite défendre
l'Université, et d'un homme catholique. Il va
s'efforcer, non sans mal et non sans critique, de ramener la paix et la
confiance dans le milieu universitaire; tâche d'autant plus difficile qu'une partie
de l'opinion publique est hostile à l'Université. Nombreux
sont ceux qui ne comprennent pas sa position lorsqu'il propose au parti
catholique l'institution
des jurys mixtes. Il s'agissait de maintenir un f contrôle de l'Université sur
les facultés libres qui pouvaient délivrer des diplômes à leurs étudiants. Les examens
se passeraient donc en présence de jurys mixtes composés de professeurs de
l'Université de l'Etat et de professeurs de l'Université libre, choisis par le ministre.
De la part d'Henri-Alexandre Wallon c'était une concession afin de respecter la
collaboration entre l'Eglise et l'Etat. Les
critiques contre son initiative ont été nombreuses; on lui reprochait notamment
d'avoir pris une mesure favorable aux universités catholiques libres, d'avoir
agit en traître en sacrifiant les droits de I' l'Etat : " Les traîtres inconscients sont les plus funestes ou les plus
grotesques. Wallon, un grand universitaire pourtant, devenu Ministre de l'Instruction
Publique, a fait sans le savoir beaucoup de mal aux universitaires et à
l'Université. N'est-il pas destiné, affirme About, à être aussi impopulaire
qu'un Falloux, qu'un Fortoul ou qu'un Cumont. "[31] Georges
Perrot répond à cette attaque: " On lui en voulut d'avoir accepté, pour les examens à subir
devant les Facultés, l'institution des jurys mixtes. Supprimé dés l'année suivante,
ce système n'a jamais été appliqué (...). En tout cas, si Wallon s'y résigna
par déférence pour les chefs de l'épiscopat français, promoteurs de cette loi, c'est
qu'il n'y croyait pas, en son âme et conscience, porter atteinte aux intérêts
de l'Université. En refusant, (...) de voter la loi de 1850, n'avait-il pas
donné une preuve éclatante du dévouement qu'il portait à ce grand corps (...) ?
"[32] Si les
universitaires regrettèrent cette mesure, ils approuvèrent les mesures
libérales qu'il prit: il tenta de
rétablir l'agrégation des Facultés mais sans succès; en revanche, il dota Lyon
d'une Faculté de droit et Lille d'une faculté de médecine. Il fonda également
des chaires nouvelles dans plusieurs villes de province ainsi qu'à Paris où il
créa une chaire d'archéologie classique. La position
d'Henri-Alexandre Wallon au cours de ce débat mettant en jeu les intérêts
religieux et les intérêts universitaires, n'a cessé de surprendre: en 1850, les
libéraux apprécient sa prise de position dans la défense de l'Université et
dans son refus d'accorder des privilèges aux catholiques. En 1875, il a la
faveur des catholiques quand il réclame la libre-concurrence des deux
enseignements et l'institution des jurys mixtes. Au Sénat, on
le considère comme un clérical conservateur et il déçoit les libéraux. С -
Action du sénateur en faveur: de la: Religion.
Le 14
Décembre 1875» Henri-Alexandre Wallon avait été nommé «sénateurs inamovible. Il
se fit un devoir de monter à la tribune quand la liberté religieuse lui parut
menacée et l'Université compromise. Sa position surprend alors : " (...) il se signale surtout par son ardeur à défendre les
privilèges de l'enseignement clérical, il devait rester jusqu'à la fin de sa
vie fidèle à cette attitude et, juste avant sa mort, il monte à la tribune
protester contre la suppression de l'enseignement congréganiste. "[33] Nous notons
ici un changement dans l'attitude d'Henri-Alexandre Wallon, Celle-ci s'explique
par la montée de l'anticléricalisme en France à la fin du siècle. En prenant
position en faveur de la Religion, il souhaite faire renaître la foi au moyen
d'un enseignement religieux. Plusieurs de ses positions iront dans ce sens: -
1879 : il s'oppose à la laïcisation des écoles
congréganistes de Paris. -
Janvier 1880: il se plaint de l'exclusion systématique
des évêques du conseil supérieur de l'Instruction Publique. -
Juin 1881 : à propos de la loi sur la gratuité de
l'enseignement, il propose sans succès un amendement autorisant les ministres
des cultes, non munis de brevet de capacité à ouvrir des écoles dans les communes
sans écoles professionnelles (on se souvient qu'il réclamait ce brevet en 1850). Enfin, il
s'oppose souvent aux projets de la loi Jules Ferry sur l'enseignement
supérieur. Face à une
politique de déchristianisation, l'attitude d'Henri-Alexandre Wallon a quelque
peu modifié: alors qu'il défendait l'esprit tolérant de l'Université, il évolue
dans un sens plus «clérical" tout en se défendant de souhaiter la
domination de l'Eglise. En effet, il
prend la parole au Sénat le 23 Octobre 1902 pour la défense des universités
catholiques, dans la discussion de l'abrogation de la loi du 12 Juillet 1875
sur l'enseignement supérieur: " Comment donc évoquer encore le fantôme de ces universités
catholiques soutenues par toutes les richesses de l'Eglise et menaçant d'écraser
l'Université de France, en présence de ces quatre ou cinq instituts catholiques
de Paris, de Lille, de Lyon, de Toulouse, d'Angers, qui ont d'excellents
professeurs, mais qui, pour vivre, ont besoin de recourir à une quête annuelle
comme une simple œuvre de paroisse. N'y a-t-il pas devant elles aujourd'hui, (...),
quinze ou seize universités de l'Etat, dûment inscrites au budget et légalement
ouvertes aux largesses publiques? Et comment oser dire que la loi de 1875 a été
funeste à l'enseignement public! C'est de cette loi au contraire que date le
développement de l'enseignement supérieur, et je ne crains pas de dire qu'à cet
égard j'y ai contribué."[34] Il poursuit
par une démonstration de l'action qu'il a menée pour préparer les facultés de
l'Etat à soutenir la lutte et il ajoute: " Je puis donc dire qu'avant de sortir du ministère j'avais
préparé les développements qui ont mis l'Université en mesure de soutenir avec
éclat la concurrence de l'enseignement libre. L'enseignement libre, loin de
nuire à l'Université, lui a donc servi. C'est pourquoi, même comme universitaire, je le défends contre ceux
qui, en l'attaquant renient le principe proclamé dans toutes les constitutions
libérales, depuis la Révolution de 1789 jusqu'à aujourd'hui."[35] Les
universitaires ne lui en ont pas voulu: en 1876, à la chute du ministère, il
est nommé Doyen de la Faculté des Lettres • Citons à ce
sujet un article du journal "Le Temps du 29 Mars 1876: " (...) M. Wallon n'a pas à se plaindre: sénateur inamovible, secrétaire
perpétuel de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Doyen de la
Faculté; il n'aurait pu raisonnablement prétendre à un nouvel emploi de ses aptitudes.
Ministre, il a pu proposer et défendre la loi que l'on sait, sans que ses
collègues universitaires eussent le mauvais goût de lui en garder rancune; bien
plus, il a reçu d'eux un témoignage éclatant de confiance, il a inauguré le
principe de la présentation au poste de doyen par les facultés et sa bonne
fortune a voulu quece principe, qui n'a d'ailleurs rien que de sage et de
légitime en soi, tournât précisément à son profit. Nul ne s'étonnera donc que
le Ministre après avoir obéi, comme il le devait , aux indications de la
Faculté, se soit préoccupé de titres parallèles dus à des services purement
universitaires et que son décret, en partie double, ait fait leur part aux
longs et loyaux services d'un concurrent qui ne compte pas moins de 36 années
d'enseignement. " Voyons
maintenant quel fut l'engagement plus profondément religieux du chrétien. 2 - L'engagement religieuxa - l'action militante socialeDés 1835, Henri-Alexandre
Wallon suit régulièrement et avec passion, à Notre Dame, les conférences du
Père Ravignan, jésuite, mais il s'enthousiasme surtout pour les conférences du
Père dominicain Lacordaire. C'est sur
l'instigation de Frédéric Ozanam et de ses amis catholiques qu'avaient été
instituées ces conférences pour répondre aux objections journellement
enseignées dans les cours publics, et reproduites, popularisées dans les livres
et par les journaux. Quelques
lettres, peu nombreuses, nous permettrons de voir quelle fut la participation
d'Henri-Alexandre Wallon à ces conférences et à la Société de Saint Vincent de
Paul. Frédéric Ozanam étant à l'origine de son engagement dans cette société,
il nous semble intéressant de voir aussi les liens d’amitié qui unissaient les
deux hommes, tous deux profondément catholiques. - Les conférences de Paris : 1834 -1848Elles
remportent un immense succès auprès des jeunes gens. En Février
1841, dans une lettre adressée à son Père, Henri-Alexandre Wallon lui fait part
de son enthousiasme pour ces conférences : " Je voudrais que vous l'entendiez; le séjour à Paris vous enlèverait
(...) à bien de fausses opinions. Vous verriez cet immense concours de jeunes
gens et d'hommes distingués qui affluent au pied de la chaire chrétienne et
vous comprendriez où est le progrès aujourd'hui. Quand donc me rendez-vous
compte de ces lectures que vous m'aviez promis de faire? Quand nous sommes ensemble
vous me renvoyez à votre prochaine correspondance, et, quand nous sommes
éloignés, à notre prochaine entrevue! "[36] La fin de la
lettre fait allusion à un problème qui rend soucieux Henri-Alexandre Wallon et
qui lui tient particulièrement à coeur: le manque de Foi de son Père. A ce sujet,
il ne comprend pas son Père et nous verrons que cette préoccupation est le
sujet de nombreuses lettres. Henri-Alexandre
Wallon suit régulièrement les conférences du Père Lacordaire. En Mars 1835,
dans une lettre qu'il adresse à ses Parents, il donne l'atmosphère qui règne
dans la cathédrale: les vastes nefs de Notre Dame ne suffisent plus pour
contenir la foule des cinq à six mille jeunes gens des Ecoles de Paris qui s'y pressent.
Il insiste à nouveau sur le succès de ces conférences dans une lettre destinée
à son Père: " Si vous aviez sous les yeux, mon cher papa, le spectacle
qu'offre Paris: quatre à cinq mille hommes (tous hommes) se pressant tous les
dimanches dans les nefs de Notre-Dame pour entendre les conférences de Mr. de
Ravignan, vous pourriez dire ce ne sont pas là autant de croyants, et, en
effet, des protestants, des rabbins juifs tout comme des indifférents sont
venus entendre ces démonstrations de la vérité catholique. "[37] Ce ne sont
pas là les seules activités religieuses d'Henri-Alexandre Wallon. En effet, il
est également membre de la Conférence de Saint Vincent de Paul; il prend ainsi
un engagement plus social. - La Conférence de Saint Vincent de Paul : 1848 -1860En 1833, Henri-Alexandre
Wallon prend part au mouvement crée par son ami Ozanam, dont la société a pour
but dés ses origines, d'aller vers la misère et la pauvreté pour la soulager. Monseigneur
Baunard confirme la présence d'Henri-Alexandre Wallon dans cette société: " Grâce
à de nouvelles recrues dont plusieurs très notables, telles que celle de Henri
Wallon, mort doyen d'âge du Sénat et secrétaire perpétuel de l'Académie des
Inscriptions, (...), les membres de la Conférence étaient devenus assez
nombreux pour que la visite des pauvres n'en fût pas interrompue. "[38] Devant le
succès de cette entreprise, la société multiplie ses activités par la création
notamment de cercles catholiques au sein des milieux ouvriers et par la
création d'écoles. Cette
société, composée de Conférences ayant chacune leur autonomie, subsistait sans
autorisation légale de la part du gouvernement de Louis-Philippe, mais par un
accord tacite. Cette œuvre
agissait par la seule efficacité de son existence. Ce n'est qu'en Janvier 1845
qu'elle reçoit la reconnaissance officielle de Rome; il s'agissait alors
d'affermir la Foi et de ranimer la charité dans la jeunesse catholique, d'en resserrer
les rangs par des amitiés solides et de former ainsi une génération nouvelle
capable de prendre conscience du mal que l'impiété avait fait dans le pays. Henri-Alexandre
Wallon participe également à l'Œuvre des Ecoles d'Orient, œuvre soutenue financièrement
par la Conférence de Saint Vincent de Paul. Sa
participation à ces différentes œuvres, s'explique par les traits du caractère
que nous lui connaissons, sa générosité, sa délicatesse de coeur, son
enthousiasme de la vérité et de la charité mais, son engagement est surtout lié
à la grande amitié qu'il partage avec Frédéric Ozanam. - Relation avec OzanamLes deux
hommes étaient en effet très proches l'un de l'autre et l'on relève quelques
lettres dans lesquelles Frédéric Ozanam parle de son ami et collègue.
Lettre de Frédéric OZANAM, adressée à Henri-Alexandre Wallon à 1
occasion de la mort de sa femme Hortense DUPIRE. Archives' privées. Dans une
lettre datée du 26 Juillet 1842, Ozanam raconte à sa femme le déjeuner qu'il a
partagé avec Henri-Alexandre Wallon chez celui-ci: " (...) en partant tu voulus bien recommander le pauvre solitaire
à la charité chrétienne de Mr. Wallon. Tu as si bien le don de persuader qu'hier
mon digne collègue m'est venu faire une courtoise invitation pour dîner
aujourd'hui chez lui. Point de cérémonie, peu de convives (...). Impossible de
refuser. "[39] Ces quelques
propos décrivent une amitié sans contrainte et sans cérémonie, une amitié plus
proche de la camaraderie que de la diplomatie. En 1844, au
sujet des démarches qu'il poursuit en vue de sa propre nomination à la
succession de Mr. Fauriel, Frédéric Ozanam écrit à sa femme: " Je reste, le seul candidat possible (...). Dans l'Université, les
agrégés qui voient leurs intérêts menacés en ma personne font cause commune.
Egger est admirable de zèle; j'en dis autant de Wallon.[40] D'autres
lettres adressées à sa femme nous apprennent que Henri-Alexandre Wallon a fait
des démarches avec beaucoup de zèle en vue de la nomination de son ami. En 1849, c'est
Frédéric Ozanam qui, cette fois, s'emploie à assurer la nomination
d'Henri-Alexandre Wallon à la chaire de Sorbonne; il écrit le 10 Novembre 1849,
au docteur Edouard Dufresne: " (...) le mardi matin, une lettre est venue m'apprendre que, le
vendredi suivant, la Faculté se réunirait pour donner un successeur à Mr.
Guizot et que ma présence pouvait décider de la candidature de mon ami Wallon.
Amitié à part, il s'agissait de mettre un catholique, en même temps qu'un
excellent professeur, dans la chaire d'histoire moderne. "[41] Notons ici
un comportement identique aux deux hommes: une mission inséparable de leur Foi. L'action
catholique et l'engagement d'Henri-Alexandre Wallon ne se manifestent pas seulement
dans le cadre d'une œuvre comme celle de Saint Vincent de Paul mais aussi dans
l'intimité et dans le quotidien d'une vie familiale attachée aux valeurs
spirituelles. Une foi
ardente et réfléchie, une spiritualité fortement enracinée et une constante
aspiration à la perfection chrétienne, ont de tous temps inspiré la vie
d'Henri-Alexandre Wallon et lui ont donné sa profonde unité. Tels sont les
caractères principaux de sa vie. Nous les
retrouvons à plusieurs périodes de sa vie: dans l'angoissante recherche de sa
voie lorsqu'il se trouve confronté à une véritable crise du doute; dans
l'attitude qu'il adopte face à deux problèmes, le manque de foi de son Père et
la vocation de sa fille Marie. Enfin, tout au long de sa vie il sent le besoin continuel
de l'aide divine; dans la correspondance qu'il échange avec l'abbé Rara nous voyons l'importance de la signification
chrétienne de chaque événement qui marque sa vie. Un témoignage d'un
ecclésiastique de la région dans laquelle il passait fidèlement ses vacances, (fidélité
perpétuée encore par ses descendants), nous permettra de saisir l'intimité de
l'homme religieux. b - L'intimité de la vie religieuse- L'éclair impérieux de la vocationC'est en
1829 que nous apprenons pour la première fois le désir ardent d'Henri-Alexandre
Wallon, qui a alors 17 ans, d'entrer dans les ordres, ce qui désole sa Mère.
Madame Wallon est très tourmentée par cette nouvelle idée de son fils; elle
l'écrit à sa fille: " Je compte beaucoup sur Jannet et sur toi pour lui faire entendre
raison et lui faire sentir la barrière qu'il met volontairement entre lui et
nous (...). Les soucis et le temps qu'il consacrera à notre vieillesse
seront-ils moins sacrés aux yeux de Dieu que le sacrifice de toutes ses
affections? Dieu exige-t-il cela de sa créature pour le sauver? "[42] Les termes
de cette lettre étonnent quand on connait la foi profonde de Madame Wallon. Elle
est encouragée dans cette attitude par son mari, ce qui nous étonne moins. Celui-ci
est réellement attristé par la volonté de son fils. Il lui dit d'une manière catégorique
qu'il ne lui donnera jamais son assentiment et surtout il espère que son fils
saura changer d'avis. Notons qu'à
l'occasion du désir de sa fille Marie d'entrer elle-même dans les ordres, Henri-Alexandre
Wallon aura la même attitude que celle de son Père vis-à-vis de lui; c'est ce
que nous verrons plus loin. Le 7 Août 1833,
Sophie et sa Mère écrivent à Henri. Celui-ci leur avait parlé d'un Monsieur
Bernard. Sophie le soupçonne d'être un émissaire envoyé avec l'intention de
faire renaître chez Henri-Alexandre Wallon, ses anciennes idées. Sa Mère lui
dit qu'il la rendrait malheureuse s'il persistait dans une idée contraire aux
volontés de sa famille; elle écrit: " Cependant crois bien que de toutes les vertus qui te parent
celle que j'estime le plus en toi c'est le-religion. Elle est si bien entendue,
si bien comprise dans tous ces préceptes qui veux tolérance et indulgence pour
toutes les erreurs que je ne crains pas de dire que tu peux faire beaucoup de
bien à notre religion par la douceur de tes sentiments. Mais cette belle morale
a bien plus de poids dans la bouche d'un particulier sur la multitude que dans
la bouche d'un prêtre où l'on voit l'obligation du langage. Je te dirai que ce
qui m'a porté à me mettre toutes ces idées en tête sur une visite qu'un jeune
prêtre t'a fait, c'est que je me rappelle que je l'ai toujours vu entouré de
camarades exaltés par la prêtrise (...). Mr. Bernard pourrait bien être un
envoyer de cette Société de Congréganistes pour faire un prossellite d'un homme
de mérite comme j'ai la conviction que tu deviendras. Mon bon ami, marche libre dans ta carrière; tu n'as besoin d'un
engagement pour remplir des devoirs que tu aimes et laisse ta mère heureuse
jusque son dernier jour en lui étant de son esprit cette inquiétude qui me tourmente.
Je compte bien plus sur la bonté de ton coeur pour moi que sur tous
raisonnements qu'on pourrait te faire. "[43] Il nous semble
qu'il était nécessaire de rendre compte de cette lettre afin de montrer les
pressions exercées sur Henri-Alexandre Wallon par sa famille en vue de lui
faire renoncer à son projet. Le 16 Août
1833, il écrit à ses Parents pour les rassurer quant à cette visite. Il leur
dit que leurs craintes sont dénuées de tout fondement. Il précise qu'il a été
enchanté de pouvoir discuter avec Mr. fer nard car il aime à converser avec des
amis aussi purs. Il ajoute, ce qui n'est pas pour rassurer sa famille, que sa vocation
est toute personnelle et que jamais il ne céderait à des influences étrangères. En 1836, l'inquiétude
de Madame Wallon redouble lorsqu'elle apprend que l'abbé Rara, grand ami de la
famille, entre au séminaire à Paris; elle craint l'influence que peut avoir
cette décision sur son fils. Finalement
Henri-Alexandre Wallon renonce à cette vocation. Nous ne connaissons pas les
raisons de ce renoncement mais sans doute est-ce pour contenter sa famille qui
à plusieurs occasions l'a supplié de ne pas s'engager dans la voie de l'état
ecclésiastique. La crise du
doute traversée par Henri-Alexandre Wallon n'a duré que quelques années. Elle a
sans doute renforcé sa Foi. Il s'est trouvé contré par son Père qui lui
refusait son accord. Cela ne l'empêche pas de tenter de ramener son Père à la
pratique religieuse et surtout à la croyance en Dieu. Les seuls
témoignages que nous connaissons sur ce sujet qui a tant d'importance aux yeux
d'Henri-Alexandre Wallon, sont des lettres adressées à son Père, véritables
exhortations en vue de lui faire retrouver la Foi. — L'irréligion d'Alexandre WallonAlexandre
Wallon en est resté au voltairisme du 18ème siècle, au lieu de comprendre le
renouveau catholique. Il n'est assurément pas irréligieux, mais il a
certainement subi l'influence des écrivains, des philosophes de la fin du l8ème
siècle, sceptiques, qui voyaient Dieu dans les manifestations de la nature, sous
une forme aimable, non sous la forme profonde telle que l'envisage
Henri-Alexandre Wallon. Le 1er
Février 1838, il adresse une longue lettre à son Père dans laquelle il
l'exhorte à revenir à des sentiments et à des pratiques religieuses. Il évoque
la maladie de son Père un an auparavant: " Cher papa, que l'on sent alors combien on aime! (...) si
d'autres se rassuraient en s'aveuglant sur votre danger, c'était pour un motif
plus éclairé que je gardais la confiance (...). J'avais tant prié Dieu de me
prendre moi-même plutôt que de vous laisser mourir comme cela (...) que je me
serais estimé heureux si, en mourant moi-même, j'avais pu vous dire: " Je
meurs pour que vous ayez le temps d'ouvrir les yeux à cette lumière qui
obscurcie dans les lieux et dans les temps où votre esprit aurait dû en
recevoir la bienfaisante influence, ne s'est jamais montrée à vous dégagée de
ces nuages". Mais Dieu vous a sauvé la vie sans prendre la mienne. Il
manque une chose seulement pour que je puisse bien jouir de ce bienfait et
cette chose dépend de vous seul (...). Vous seul par votre volonté, pouvez resserrer
cette union si douce qui nous réunirait tous dans les mêmes sentiments comme
dans le même amour (...). Je vous en conjure, mon cher papa; je ne vous dis pas "Allez à la
messe, faites maigres aux jours prescrits" (...). Mais croyez d'abord une
chose. C'est l'affaire la plus grave et la plus convenable à l'homme est de se
faire une opinion raisonnée sur ces rapports qui l'élèvent au-dessus de la
Création et le rattachent à Dieu. Quand vous aurez accepté cette idée bien simple, vous comprendrez (...)
que dans la science religieuse, il fallait qu'il y eut d'abord révélation, de
peur qu'en cherchant Dieu dans la création, l'homme ne crût l'avoir trouvé dans
une Créature, croyance grossière, pire que l'absence de toute croyance dans
laquelle vit la brute (...) erreur que l'histoire signale dans les religions où
la révélation a été obscurcie."[44] Nous n'avons
pas la réponse d'Alexandre Wallon à cette lettre. En 1838, Henri-Alexandre
Wallon envoie à son Père un livre de l'abbé Gerbet intitulé "du dogme générateur
de la piété catholique"; il a lui-même été frappé à la lecture de cet
ouvrage, de la belle âme de l'écrivain. Il en conseille vivement la lecture à
son Père: " Je désire, mon cher papa, que vous lisiez cet ouvrage dans
l'esprit qu'on doit avoir en examinant une question sérieuse, c'est-à-dire dégagé
de tout préjugé. (...) Lisez ensuite la source qui a inspiré cet ouvrage :
l’Evangile. "[45] Malheureusement
nous ne connaissons pas les réponses d'Alexandre Wallon à ces lettres
pertinentes. Il semble, d'ailleurs
que dans ses réponses, il se contentait de remettre à plus tard la discussion. L'attitude
d'Alexandre Wallon choquait profondément son fils, pour qui la religion est une
constance dans sa vie. - L'appel à Dieu: une constance dans sa vieLa
correspondance qu'Henri-Alexandre Wallon échangea pendant 45 ans avec son ami
l'abbé Rara, nous permet de comprendre la place privilégiée de la religion dans
sa vie. Pas une lettre qui ne soit écrite sans en appeler à la miséricorde de
Dieu. Il ne s'agit pas ici de toutes les citer. Seuls quelques extraits nous permettrons
de montrer qu'il considérait tout à la lumière de l'Evangile; nous prendrons
pour exemple le thème du mariage et de son rapport avec la religion; nous
verrons aussi l'importance de la religion dans l'éducation des enfants et enfin
la règle de vie que Henri-Alexandre Wallon s'imposait dans le quotidien de la
vie. - Projet de mariage d'Henri-Alexandre WallonPour lui, le
mariage est sans doute l'événement qui a la plus grande signification
chrétienne. Il est très soucieux de faire le bonheur de sa future femme et il
veut être sûr de son engagement. Il demande souvent l'avis de l'abbé Rara; celui-ci
lui conseille de s'en remettre à la Providence: " Vous avez pris le bon parti, d'avoir, avant de faire la moindre
démarche, avec M. le Curé de St Roch un entretien à coeur ouvert, qui régla
décidemment la conduite que vous aviez à tenir (...). On ne peut pas avoir
regret d'avoir pris un parti qui était raisonnable, parce qu'il n'a pas réussi;
et dans notre malheur, il n'y a plus qu'à se jeter dans les bras de la Providence
qui ne nous perd pas pour nous éprouver (...). Soyez donc désormais tranquille
sur le parti que vous avez pris et abandonnez- vous, avec une confiance toute
fidèle à la Providence. (...) Dans la douce société d'une femme pieuse, vous
trouverez bien des moyens de devenir meilleur. Vous vous soutiendrez réciproquement
(...) vous vous aiderez (...) à croire dans l'amour de notre Père commun qui
est bien le meilleur des maîtres: et si Dieu bénit votre union et vous donne
des enfants, vous leur apprendrez aussi à le servir (...)."[46] Henri-Alexandre
Wallon désire partager sa Foi tout d'abord avec une épouse pieuse mais aussi
avec ses enfants. - La religion et les enfantsLa religion
a sa place dans l'éducation des enfants. Ceux-ci sont dignes de satisfaire leur
Père. En effet, dans
une lettre adressée par l'abbé Rara à Henri-Alexandre Wallon, les deux filles
de celui-ci, Marie et Adèle, ajoutent un petit mot; elles se trouvaient alors à
Douai et leur Père était à Paris. Les deux lettres sont écrites le jour de
Noël: " C'est aujourd'hui la fête de Noël et j'ai bien demandé au petit
Jésus de m'accorder des grâces pour ma première communion. Je ne vous ai pas
oublié dans mes prières. Je t'embrasse de bien bon coeur, cher père, et te
demande ta bénédiction. "[47] Le mot
ajouté par Adèle révèle le même esprit pieux : " Ne crains pas bon père que je néglige de
prier pour ma bonne mère. Je prie pour elle tous les jours comme tu me l'as
dit. "[48] La maman des
deux jeunes enfants était décédée la même année et nous voyons
qu'Henri-Alexandre Wallon leur a demandé de la recommander à Dieu dans leurs prières. De très
nombreuses lettres viennent à l'appui de ces quelques exemples; il n'est pas
possible de les reproduire toutes ici. Cependant, il faut évoquer le problème
posé par la vocation de Marie Wallon. - La vocation de MarieTrès
curieusement, alors qu'Henri-Alexandre Wallon place la religion, dans
l'éducation de ses enfants, au même titre que la politesse par exemple, il se
montre hostile à la vocation persistante de sa fille Marie. Celle-ci rencontre
de 1863 à 1873, un refus systématique de la part de son Père. Henri-Alexandre
Wallon confie alors ses tourments à son ami l'abbé Rara. Celui-ci essaie de
convaincre son ami d'accepter la position de sa fille. La
correspondance échangée entre les deux hommes nous apprend la préoccupation
d'Henri-Alexandre Wallon, dés 1860. Dés cette date en effet, il se confie à son
ami. L'abbé Rara considère que la question est grave et qu'il faut la traiter
comme telle. Henri-Alexandre
Wallon est persuadé que sa fille n'a pas la vocation à la vie religieuse et
qu'elle fait fausse route; sur ce point, l'abbé Rara est d'accord avec lui en
1860. Cependant il nuance sa position: " Faut-il en conclure qu'elle ait vraiment la vocation à la vie
religieuse? Assurément non. Mais la solidité de cet esprit qui aime (...) à
voir clair dans ce qu'il fait est au moins un signe, fait pour attirer votre
attention. (...). Au fond je ne serais pas étonné non plus que ce désir ne fut
réellement un commencement de voix divine. Vous savez mieux que moi ce qu'il y
a de profondément religieux dans cette âme. "[49] L'abbé Rara
recommande à son ami d'étudier la question attentivement, avec beaucoup d'amour
et de respect pour une circonstance aussi importante. Il lui conseille même de
faire en sorte d'éprouver sa fille afin de voir si la vocation est réelle. Assurément
cette question tourmente Henri-Alexandre Wallon. L’abbé Rara insiste sur le
fait que s'il s’agit d'une vraie vocation, il faut savoir faire un grand
sacrifice: " Allez, si Dieu vous demande pour lui cette chère enfant, et
qu'il vous faille faire un grand sacrifice, il vous donnera la force de le
faire, et quand vous l'aurez fait, il tiendra envers vous sa promesse. (...) Elle
vous aimera plus qu'elle ne ferait si elle était mariée, entourée d'une famille
telle que celle au milieu de laquelle elle vit (...). Et vous vous consolerez
bientôt en pensant aux joies d'une autre nature, moins exposées aux
vicissitudes de la vie que celles de la famille même la plus chrétienne. "[50] La manière
de penser des deux hommes va progressivement diverger. Henri-Alexandre Wallon
ne parvient pas à réagir en chrétien, il se sent avant tout Père de famille. L'abbé Rara,
qui échange à ce sujet une correspondance avec Marie, se rend finalement compte
que sa vocation est véritable; il le constate par le caractère même des lettres
qu'elle lui envoie: ce sont des lettres pleines de calme, de raison et de
jugement. Il estime qu'il faut se montrer heureux de son choix et qu'il faut
s'en remettre à la volonté de Dieu; il cherche surtout à ménager l'amitié
d'Henri-Alexandre Wallon et aussi à le raisonner : " Soyez heureux, heureux comme nous le désirons, heureux de faire
non pas notre volonté, mais la volonté de Celui qui nous a mis au monde pour
connaître cette volonté toujours sainte et arriver au bonheur en la faisant. "[51] Progressivement,
Henri-Alexandre Wallon admet que sa fille devienne religieuse; cependant, son
coeur est douloureusement préoccupé. Il refuse d'accepter qu'elle entre dans un
ordre cloîtré. L'abbé Rara lui conseille de laisser Marie s'éprouver plus
longtemps sans pour autant s'opposer pour elle à la vie cloîtrée, celle-ci
étant approuvée et encouragée par l'Eglise. Henri-Alexandre
Wallon demeure dans l'incertitude; il est très choqué quand il apprend que
l'abbé Rara a conseillé à Marie de suivre la voie qu'elle croyait bonne. Cependant il
se résigne à cette vocation, son ami lui demandant de ne plus s'opposer au
désir de Marie et de faire à Dieu le sacrifice qu'il lui demande. C'est en
1866 que Marie, déterminée, entre dans l'ordre cloîtré de la Visitation à
Paris. Dans la vie
quotidienne, Henri-Alexandre Wallon s'en remettait très souvent à Dieu et à la
Providence. A l'occasion d'événements quel qu’ils soient, il demandait à l'abbé
Rara de le recommander à Dieu dans ses prières. En Octobre
1840, il se présentait au concours d'agrégation des Facultés de Paris. Les
lettres précédant cette épreuve montrent qu'il demandait à son ami de dire la
messe à son attention; le 13 Septembre 1840, l'abbé Rara lui écrit qu'il dira
la messe pour lui le Mardi à six heures. Il précise qu'il l'a dite à une heure
tous les jours depuis le commencement des vacances. Il lui donne toujours à
l'avance le jour et l'heure de la messe qu'il dira pour lui afin qu'Henri-Alexandre
Wallon puisse s'y unir. Il poursuit sa lettre, parlant de la place d'agrégé
qu'il pourrait obtenir et à cette occasion, il le confie à Dieu: " Si cette place doit servir à la gloire de Dieu et à votre
bonheur oh je vous la souhaite de tout coeur. S'il n'en est pas ainsi mieux vaut
mille fois que vous ne 1'aviez pas (...). "[52] A toutes les
veilles d'examens, nous retrouvons Henri-Alexandre Wallon et l'abbé Rara, l'un
faisant des prières, l'autre disant des messes pour demander la miséricorde de
Dieu. A chaque épreuve que la vie apportait à Henri-Alexandre Wallon, son
fidèle ami était présent pour le confier à Dieu. Durant toute
sa vie, Henri-Alexandre Wallon a vu, dans chacun de ses devoirs, devoirs
d'Etat, devoir de chrétien, devoir de citoyen, l'accomplissement de la volonté
de Dieu. Nous nous permettrons,
pour finir, de citer un long extrait recueilli dans un bulletin religieux; à
lui seul, cet extrait nous donne une éclatante image du chrétien : " (...) il était le chrétien plaçant sa religion au-dessus de
toute chose, et de très haute conscience. (...) D'une foi profonde à toute
époque, M. Wallon, en effet, n'avait pas seulement fait de sa foi la directrice
de sa vie, mais encore, en ces dernières années surtout, il osait aller, dans
la pratique, jusqu'à la dévotion. Une dévotion qui ne ressemblait guère, (...),
à certaines mièvreries (...) mais une dévotion qui, pour être discrète, limitée,
réfléchie, n'en paraissait que plus belle à ceux qui en voyaient les actes (...).
Le chrétien de noble caractère s’attacha particulièrement, dans sa religion, à
ce double culte fondamental: le Saint-Sacrifice et l'Evangile. On sait qu'il
fut l'un des premiers en France à étudier doctement l'Evangile (...). Son goût
du Saint-Sacrifice allait de pair. L'assistance obligatoire du dimanche ne lui suffisait
pas, nous l'avons dit; l'assistance de tous les jours, et par quelque temps
qu'il fît: voilà à quoi sa piété s'astreignait. (...) S'il arrivait que
l'enfant de chœur manquât, le vieillard s'offrait à répondre à sa place. Tout
de suite, les assistants étaient gagnés par sa gravité, et parfois jusqu'au
prêtre lui-même. (...) Il ne laissait jamais passer la fête de l'Assomption, ni
celle de la Nativité, sans se confesser (...) et sans communier. Ils (Messieurs
les Curés) en étaient tout émus (...). L'un d'eux dit encore modestement aujourd’hui:
«Quand je voyais à mes genoux cet homme si vénérable, j'étais confondu, et je
n'ignorais pas, allez, caractère sacerdotal mis à part, lequel des deux était
le plus près de Dieu." (...) "[53]
D'après une photographie en noir et blanc du tableau de Bastien-Lepage représentant Henri-Alexandre Wallon (1812-1904). Tableau appartenant au Musée de Versailles. DEUXIEME PARTIE « L'ENGAGEMENT RELIGIEUX D'HENRI-ALEXANDRE
DANS SES OEUVRES ET DANS SES ECRITS. » I - LES MOTIVATIONS DE L'ECRIVAIN1 - Un goût prononcé pour l'Histoire et en particulier l'Histoire ancienne.La
correspondance qu'Henri-Alexandre Wallon échangeait avec ses Parents, nous
confirme son attirance pour l'Histoire. En effet, en 1833, alors qu'il poursuit
sa deuxième année à l'Ecole Normale, il écrit à son beau-frère, Mr. Jannet: " Je fais toujours de l'Histoire à force; j'ai déjà lu cette
année: 13 volumes de Gibbon, 5 volumes de Thiers, 5 volumes de Guizot, 16
volumes de Sismondi, 5 volumes de Lingard. Cependant, je ne fais point cela
seulement. Comme dit Michelet, l'Histoire est une liqueur trop forte, elle brûle
ceux qui en usent sans ménagement. "[54] Nous voyons
bien ici quelle était sa passion et aussi quelle force de travail il lui
fallait pour apprécier ces nombreux volumes. Indéniablement, il aime lire:
l'Histoire des civilisations avec l'œuvre de Guizot ( "Histoire de la
civilisation en Europe"-1828- ',' Histoire de la civilisation en
France"-1830-), mais aussi '
l'Histoire du catholicisme, vue ici à travers l'œuvre de Lingard («Antiquités
de l'Eglise Anglo-Saxonne"-1806-). Il lit des auteurs que l'on
qualifierait volontiers d'é- . rudits, tel Guizot dont l'œuvre est caractérisée
par un esprit scientifique et par une connaissance approfondie des sources, tel
aussi Sismondi chez qui l'on trouve plus d'érudition que d'art et davantage de
conviction que d'objectivité. Henri-Alexandre Wallon s'intéresse surtout à
l'Antiquité. Dans sa famille on lui reproche de ne se plaire : " (...) qu'avec ton Virgile, ton Horace, tous les vieux Grecs et
Romains de l'Antiquité. "[55] Dans une
lettre adressée à ses Parents le 26 Décembre 1833» il dit lui-même: " (...) Je suis vraiment comme Tantale au milieu de tant de
trésors de science dont j'ai faim et soif. "[56] Un an
auparavant, le 24 Mai 1832, il écrivait à son beau-frère Monsieur Jannet: " Quand je suis libre (...), je m'occupe de l'Histoire. En fait
d'auteurs anciens, j'ai lu la traduction française de Thucydide, la traduction
latine de Denys d'Halicarnasse (...). J'ai lu aussi Hérodote dans le texte, presque
en entier, les Helléniques de Xénophon et un bon tiers de Tite-Live. Avant la
fin de l'année je voudrais bien lire Polybe et Tacite, mais je l'espère à peine
! "[57] Il est très
important de noter l'attrait qu'exerce l'Histoire sur Henri-Alexandre Wallon, en
particulier l'Histoire de l'Antiquité, puisque son œuvre en sera le reflet. Ce
qui l'intéresse dans l'Histoire, c'est la foi dans l'homme, la raison et le
progrès. Cela, Paul GERBOD le souligne lorsqu'il écrit à propos de
l'enseignement de l'Histoire à l'Université: " (...) L'idée que l'Histoire est avant tout au service de
l'Homme gagne du terrain. Cette science, comme la philosophie, doit contribuer
au succès des idées libérales et hâter l'avènement d'une société plus
égalitaire et plus démocratique. L'Histoire amorce un changement profond dans
l'âme universitaire; celle-ci figée jusqu'alors dans son admiration pour les
modèle, de l'Antiquité gréco-latine, prend conscience, à son contact de l'idée
d'évolution et de progrès."[58] Cette idée
de progrès, on la retrouve très nettement dans les deux thèses rédigées par
Henri-Alexandre Wallon en Août 1837: la thèse latine qui est une thèse de
Doctorat, " QUALIS FUERIT APUD VETERES ANTE CHRISTUM DE ANIMAE
IMMORTALITATE DOCTRINA"[59], ainsi que la thèse intitulée " DU DROIT
D'ASYLE "[60], qui
fut présentée la même année à la Faculté des Lettres de Paris. Nous
reviendrons ultérieurement sur les thèmes développés dans ces deux thèses mais
déjà nous pouvons dire que leur auteur prend pour modèle l'Antiquité en y
analysant ses erreurs afin d'en dégager une idée de progrès: la démocratie. Cette idée, jugée
trop libérale par certains, ne lui vaudra pas l'enthousiasme des
universitaires, mais dit-il: « (...) au moins je me suis fait connaître tel que je suis »[61] L'essentiel
pour lui est de défendre ses convictions. C'est là l'autre motivation
d'Henri-Alexandre Wallon pour l'écriture: une motivation apostolique, présente
dans ses ouvrages qui reflètent ses préoccupations religieuses et morales. 2- Une motivation apostolique.La rédaction
d'ouvrages touchant à la religion, à l'exégèse et à l'apologétique est, pour
Henri-Alexandre Wallon le moyen d'inciter un plus grand nombre de personnes à
la lecture des Livres Saints et de défendre la religion contre le scepticisme. En 1864,
dans une lettre qu'il adresse à DUPANLOUP, il parle de l'objectif qu'il
souhaite atteindre dans la rédaction de quelques uns de ses ouvrages: " Si par là je pouvais ramener plus de personnes à la lecture
réfléchie de nos Saints Livres, je croirais avoir fait ce qu'il y a de plus
efficace à combattre les livres où l'on nous a si étrangement défiguré l'image
sacrée de Notre Sauveur."[62] Son plus vif
désir est ici de combattre les erreurs et de faire partager sa Foi. C'est
pourquoi il écrit des ouvrages destinés à 1 *éducation religieuse de la
jeunesse. Ainsi il publie en 1854, " LA SAINTE BIBLE RESUMEE DANS SON
HISTOIRE ET DANS SES ENSEIGNEMENTS" et quelques années plus tard, en 1866,
un petit ouvrage intitulé " ABREGE DE L'HISTOIRE SAINTE (ANCIEN ET
NOUVEAU TESTAMENT) ", livre adopté par les écoles communales de la ville
de Paris. Il s'agit d'un petit volume à propos duquel il a écrit: " Même dans ce cadre réduit, je me suis attaché à reproduire les
paroles des Ecritures, appliquant mon étude à les bien choisir, à les mettre en
leur lieu et à m*effacer. Je n'ai pas mesuré ma peine aux proportions de ce
petit volume: car, à mon avis, il n'est rien qui réclame un soin plus
scrupuleux qu'un livre de classe; il n'est personne qui exige d'un auteur un
travail plus châtié que l'enfant."[63] Il
entreprend également un travail plus théologique fondé sur la Bible et les
Evangiles, travail toujours essentiellement destiné à défendre la Religion
contre le scepticisme et contre les attaques dont elle est alors l'objet. A
propos de l'Histoire et de son entrée en tant qu'enseignement à l'Université, Paul
GERBOD écrit: " (…) Pour un certain nombre de professeurs, l'Histoire est avant
tout une science d'érudition, soucieuse seulement d'exactitude et de précision
(...). Pour d'autres, l'Histoire ne peut cesser d'être chrétienne. Fidèle aux
enseignements de Bossuet, elle est faite pour servir la Religion et en défendre
les dogmes."[64] Cette idée, toujours
présente dans l'esprit d'Henri-Alexandre Wallon, se retrouve dans ses écrits
théologiques. Il puise ses commentaires aux premières sources de l'Evangile
après l'avoir traduit. Il considère que sa tâche est de prendre la défense des
Evangiles; il le fait dans un ouvrage publié en 1858: « DE LA CROYANCE DUE AUX
EVANGILES ", véritable œuvre apologétique. Nous pouvons lire en
avertissement de cet ouvrage " Ne nous étonnons pas de l'ardeur avec laquelle on revient à la
charge contre nos Saints Livres. Elle prouve qu'eux debout, on se sent mal affermi
et mal à l'aise dans les écoles de l'incrédulité. Le retour incessant à
l'attaque fait un devoir de ne pas déserter la défense: et la question est
vraiment de celle où chacun est tenu de prendre parti. "[65] En 1855, il
publie un ouvrage: " LES SAINTS EVANGILES-TRADUCTION TIREE DE BOSSUET »[66],
dont l'objet principal est alors d'offrir au public un livre de piété. Ce désir
sincère de défendre la Religion est constant tout le long de sa vie, et, sous
l'impulsion de son ami et conseiller, l'abbé Rara, il entreprend un véritable
travail apologétique de la Foi. 3- Le travail apologétique de la Foi.Nous avons
vu que, pour Henri-Alexandre Wallon, défendre la Religion c'était révéler la
Vérité: mais il s'agit aussi pour lui de répondre aux attaques dont elle est
l'objet; c'est pourquoi, lorsqu'un STRAUSS ou un RENAN publient des écrits
qu'il juge lui-même inexacts, il n'hésite pas à prendre sa plume pour les
réfuter, principe qui s'inscrit parfaitement dans la ligne directrice de son œuvre.
C'est ainsi que l'abbé Rara lui suggère de ne pas laisser l'œuvre de Monsieur
RENAN sans réponse; c'est sur son conseil qu'il rédige un ouvrage intitulé: «LA
VIE DE JESUS ET SON NOUVEL HISTORIEN", publié en 1864[67],
dont l'objet principal est de démentir les thèses développées dans l'ouvrage: «
La vie de Jésus " de Monsieur Renan[68].
A propos de cette réfutation, Jules Clarétie note dans ses portraits
contemporains: " Lorsque Mr. Renan publia sa vie de Jésus, Mr. Wallon se trouva
au premier rang des critiques qui combattirent l'œuvre nouvelle du philosophe.
Mais il est juste d'ajouter que sa polémique avec Me. Renan, œuvre d ' exégèse
^-) est aussi éloignée des diatribes religieuses qui accueillirent la libre
étude de Mr. Renan que peut l'être, je suppose, une satire de Mr. de Laprade
d'une épitre vadéique de Mr. Veuillot. »[69] La volonté d
' Henri-Alexandre Wallon était de mettre en garde les catholiques contre les
propos de Mr. Renan qui prêchait une religion qui dispensait et de la Foi et du
Baptême. Cette volonté s'inscrit dans la ligne de conduite d'Henri-Alexandre
Wallon: répondre aux attaques dirigées contre l’Eglise: il participe alors à la
critique historique. Un an plus
tard, en 1865, il publie un nouvel ouvrage intitulé : « LA NOUVELLE VIE DE
JESUS DU DOCTEUR STRAUSS[70].
Là encore, il s'agit de s'élever contre un homme qui tourne en dérision la
Religion, et qui traite sans dignité les 'Evangélistes et l'Evangile lui-même. Nous savons
par la correspondance échangée entre l'abbé Rara et Henri-Alexandre Wallon, la
part importante prise par l'abbé Rara dans la réfutation de l'ouvrage de Mr.
Renan. Nous verrons qu'il a été l'instigateur de l'ouvrage d'Henri-Alexandre
Wallon et comment il l'a aidé dans sa tâche. Il faut préciser ici qu'il ne
s'agissait pas pour les deux hommes, de répondre à Mr. Renan. Ils ne répondent
qu'aux critiques menées scientifiquement. Ce n'était pas le cas chez Mr. Renan
puisque son œuvre ne reposait pas sur des références précises. Dans l'esprit
des deux hommes, il s'agissait essentiellement de mettre en garde les catholiques
contre des affirmations qu'ils jugeaient erronées. Ils n'ont d'ailleurs pas été
les seuls à le faire. Avant
d'aborder en détail les œuvres d'Henri- Alexandre Wallon, nous avons voulu
montrer ici les raisons qui l'avaient amené à écrire: son goût pour la
recherche historique et son désir de dire la vérité, de défendre la Religion. A
cela nous pouvons ajouter que dans l'étude des Livre Saints, Henri-Alexandre
Wallon a sans doute trouvé un remède au chagrin qu'il a éprouvé à la mort de sa
femme, disparue le 28 Juin 1851. En effet, dans l'éloge que Georges PERROT fait
de lui à l'Institut, nous relevons ceci : " Avec cette entrée dans notre Compagnie s'ouvre dans la vie de
Wallon une période de travail et de production féconde qui aurait été pour lui
le bonheur même, s'il n'avait eu le 28 Juin 1851 la douleur de perdre sa femme
(...). Ce fut surtout dans la lecture et l'étude des Livres Saints qu'il
chercha un remède à son affliction (...). Ces livres nous aident à comprendre
quelles ont été, chez Wallon, les sources de la vie morale, dans quelles
pensées et quelles espérances il a trouvé le secret de supporter, sans jamais fléchir
sous le poids, les épreuves qui ne sont pas épargnées à ceux même que le monde
proclame les plus heureux. "[71] Dés le début
de l'année 1852, Henri-Alexandre Wallon consacre la plus grande partie de son
temps à la recherche et à la rédaction d'ouvrages religieux. Il convient de
voir maintenant quelle est la teneur de ce travail. II - LES OEUVRES THEOLOGIQUESSous l'Empire,
Henri-Alexandre Wallon se retire de la vie politique. Il consacre ces années d'inactivité
politique à des recherches érudites et à la rédaction d'ouvrages qui sont plus
des œuvres d'érudition que de vulgarisation d'où la difficulté de les appréhender. Auparavant, lorsqu'il
était à l'Ecole Normale, il a rédigé deux thèses à l'issue de sa troisième
année. Celles-ci ont leur importance étant donné le choix des sujets. Nous nous
proposons de voir en premier lieu le contenu de ces deux œuvres de jeunesse et
nous aborderons ensuite les thèmes développés dans les ouvrages rédigés dans
les années 1850-1860. 1- 1837: Les thèsesDans la
notice rédigée par Georges Perrot, nous lisons ceci: " Deux ans après sa sortie de l'Ecole, il était licencié en droit
et, deux ans plus tard, docteur-ès-Lettres• Sans avoir les dimensions des
énormes volumes que l'on s'est accoutumé dans ces derniers temps, à soumettre
au jugement de nos Facultés, ses deux thèses étaient plus développées que
beaucoup de celles qui valaient alors ce titre à leurs auteurs. "[72] Il s'agit de
la thèse latine intitulée: " QUALIS FUERIT APUD VETERES ANTE CHRISTUM DE
ANIMAE IMMORTALITATE DOCTRINA ," et de la thèse française " DU DROIT
D'ASYLE ". - « QUALIS FUERIT APUD VETERES ANTE CHRISTUM DE ANIMAE IMMORTALITATE DOCTRINA »Cette thèse
a fait l'objet d'une importante correspondance entre Henri-Alexandre Wallon et
l'abbé Rara. Les discussions entre les deux hommes ont pour objet, en premier
lieu, le choix du sujet de la thèse. Dans une lettre du 7 Octobre 1835, l'abbé
Rara répond à Henri-Alexandre Wallon qui lui avait auparavant posé une question
sur le rôle de la Providence et l'Histoire. Cette lettre, longue de sept pages
est une dissertation dont le sujet serait: « La Providence ". L'abbé Rara
a d'ailleurs tardé à répondre à cette question car dit-il: " (...) je n'avais pas ce qu'il me fallait pour répondre comme je
le désirais aux questions que vous me faites. Je n'aurais pu vous donner aucune
indication précise, j'aurais nécessairement laissé de côté plusieurs points importants.
"[73] Nous ne
savons pas précisément quelle était la question posée par Henri-Alexandre
Wallon puisque nous ne possédons pas la correspondance qu'il envoyait à l'abbé
Rara. En revanche, nous possédons les lettres que l'abbé Rara envoyait
régulièrement à son ami. En réponse à
Henri-Alexandre Wallon, il aborde donc le thème de " la philosophie de
l'histoire selon les principes de l'Ecriture ": " Je diviserai en deux ce que j'ai à dire de la philosophie de
l'histoire selon les principes de l'Ecriture: a- Des lois
générales qui président aux révolutions des Empires ou de la conduite de la
.'-Providence dans les événements humains, b- Des moyens
employés par la Providence pour préparer les nations à la venue du Rédempteur.[74] Suit alors un
long développement pour chacune de ces deux parties, essentiellement pour la
seconde dans laquelle doit se trouver la réponse à la question posée par
Henri-Alexandre Wallon: a- La place de la Providence dans le monde : Rara pose le premier
principe suivant: " (...) Les voies de la Providence tantôt découvertes, tantôt
cachées, ne nous sont .jamais entièrement connues dans ce monde (...). "[75]
Il cite
alors l'Ecriture puis donnant une citation en latin comme il le fera tout au
long de sa lettre, il poursuit : " Ce principe une fois bien arrêté dans notre esprit, pour
l'empêcher de le perdre de vue dans des recherches aussi vaines que téméraires,
nous pouvons poser les lois suivantes, Dieu dispose à son gré des Empires, donne la puissance à qui
il veut, pour le temps qu'il veut. "[76] Il confirme
son propos à l'aide de références précises: Livre de Job, Daniel, Livre du
Deutéronome, afin de montrer que : " Les faits de l'Histoire viennent à l'appui de cette
doctrine."[77] L'abbé Rara
pose ensuite la deuxième loi: " (...) Les Empires soumis aux mêmes lois que les individus, sont
comme les individus heureux ou-malheureux selon qu'ils suivent les règles de la
justice ou qu'ils s'en écartent."[78]
Il donne
alors comme exemple le peuple juif en précisant : " (...) on en trouve la preuve à presque toutes les pages de
l'Ecriture. "[79] Il précise
également: " Babylone est traitée avec la même rigueur qu'elle a traité les autres.
"[80] Cette règle
a donc un caractère général (des références à l'Ecriture viennent à l'appui de ses
affirmations) : " (...) Il n'est plus question uniquement des peuples en rapport
avec la Judée mais de toutes les nations sans distinction. "[81] L' abbé Rara
pense donc que la Providence a les moyens d'arriver à l'accomplissement de ses
desseins sur les nations coupables; elle a ainsi un rôle non négligeable dans
l'Histoire. b- Les moyens employés par la Providence pour préparer les nations à
la venue du Rédempteur. L'abbé Rara
distingue deux sortes de moyens: " Ceux que la Providence a employés pour avertir les hommes ployés
dans l'Idolâtrie, et faire revenir au fond de leur conscience l'idée de Dieu et
de ses perfections infinies qui y étaient presque effacées. "[82] Puis : " Ceux qu'elle a employés pour diriger les événements humains et
les révolutions des Empires de telle sorte que tout fut disposé à la venue du
Rédempteur de la manière la plus favorable à répandre dans le monde sa nouvelle
doctrine et les grâces abondantes qui y étaient attachées. "[83] L'objectif
de l'abbé Rara est ici de montrer la toute puissance divine. Il le fait à
l'aide de trois exemples: Job, Joseph et ses frères, et Moïse suppliant Pharaon
de laisser sortir les Hébreux d'Egypte. Il choisit également des exemples dans
l'Antiquité : " Or ces manifestations de la puissance divine, la connaissance
du Saint nom de Dieu et de ses perfections propagée de la sorte dans ce temps,
est un fait d'autant plus remarquable, qu'à cette même époque on voit s'établir
entre la Grèce et l'Orient des communications qui devaient avoir pour résultat
d'initier les peu-, pies de l'Occident à des idées religieuses plus saines, et
à la grande Espérance d'un avenir plus heureux.. "[84] Il pense que
si la Providence agit au sein du peuple chrétien, elle agit aussi chez les
païens, afin de les préparer à l'implantation du Christianisme. Poursuivant
son analyse l'abbé RA-RA veut montrer : "(...) Comment les révolutions des Empires ont concouru à
préparer les voies à las grande œuvre de la Rédemption. "[85] Pour
répondre à cette question il pose deux fondements à son développement: - " (...) que la réunion d'un grand nombre de peuples sous la
même domination était un événement utile à la propagation du Christianisme. "
- " (...) que l'établissement de l'Eglise selon la prophétie de
David devait être précédé de l'établissement de quatre grands empires dont le
dernier devait absorber tous les autres. "[86]
Il montrera
alors comment les événements ont favorisé l'établissement de ce quatrième
empire. Pour le
développement de ces deux questions, l'abbé Rara n'a plus uniquement recours à
l'Ecriture. Il prend ses sources et ses exemples dans l'histoire de
l'Antiquité, ce qui montre la culture étendue de cet homme et par là-même celle
très complète également d'Henri-Alexandre Wallon. L'abbé Rara
soumet ensuite à son correspondant quelques observations à propos de l'histoire
de la Grèce: " Après la conquête d'Alexandre et le démembrement de son Empire,
il y a (...)des guerres continuelles tant dans la Grèce que dans l'Orient entre
les peuples soumis à ses successeurs, guerres affreuses qui pouvaient sans
doute entrer dans les desseins de la Providence pour punir des nations
profondément corrompues, il mais dont
l'inévitable résultat était d'affaiblir cette troisième Monarchie Grecque pour
la livrer vaincue à cet autre peuple conquérant qui devait selon l'expression
de Daniel broyer toute la terre, et former la quatrième grande Monarchie à
laquelle succéderait l'Empire pacifique et universel du Libérateur promis. "[87] Et la
conclusion de l'abbé Rara est celle-ci: " L'Empire romain envahit tout. Jésus-Christ nait, souffre, meurt
pour le salut des hommes. Le peuple criminel dont Dieu s'est servi pour
accomplir sur son fils ses projets de Miséricorde, est puni d'un châtiment
proportionné à son forfait : Jérusalem est foulé aux pieds par les nations, et
ses habitants dispersés dans tous les coins du monde vont encore comme aux
temps de la captivité sans le savoir préparer tous les peuples à recevoir la
bonne, nouvelle dont leurs livres contiennent la promesse et les preuves. Ainsi
nous reconnaissons encore, que même lorsque Dieu exerce sur ses coupables les
plus rigoureux jugements, il se souvient toujours de ses miséricordes, et fait
tourner le malheur mérité des uns au bonheur de ceux qu'il a résolu
d'appeler." [88] Pour l'abbé
Rara, il est important de souligner l'aspect miséricordieux de Dieu. Dans une
lettre du 17 Novembre 1835, nous voyons que les prises de position des deux
hommes divergent au sujet du rôle de la Providence. Henri-Alexandre Wallon
pense que c'est dans le cercle de la civilisation ancienne, c'est-à-dire de la
civilisation gréco-romaine, que Dieu prépare les peuples à la venue du Sauveur. L'abbé Rara est
d'accord avec cette observation, elle lui parait tout à fait vraie mais il
ajoute: " (...) Vous pensez vous, devoir resserrer l'action de Dieu dans
ces limites, tandis que selon moi elle s'étend plus loin, et c'est là seulement
que nous ne marchons pas sur le même chemin, sans pourtant nous écarter beaucoup.
En d'autres termes j'admets tout ce que vous admettez, tandis que vous
n'admettez pas ce qui me semble pouvoir être admis. " [89] L'abbé Rara
argumente donc sa thèse afin de convaincre son correspondant de sortir du
cercle dans lequel il s'est enfermé. Pour lui: " (...) Tout se réduit à examiner si l'on a des raisons
suffisantes de croire qu'avant l'établissement du grand Empire de Rome, la doctrine
des Hébreux ait pu être connue des peuples de l'Asie Orientale. Si la question
est résolue affirmativement, et les textes de l'Ecriture semblent bien
permettre de la résoudre non seulement sans qu'on soit obligé de leur faire
violence, mais suivant moi avec une vraisemblance qui équivaut presque à la
vérité, dés lors vous êtes forcé de sortir du cercle où vous vous tenez
enfermé, et de reconnaître que Dieu n'a point restreint l'action
miséricordieuse de Sa providence, aux seules nations gréco-romaines. "[90] Il lui
conseille de considérer la question sous cet aspect historique et d'examiner
avec attention si ses doutes sont bien fondés. Nous voyons donc que pour éclaircir
un point obscur, Henri-Alexandre Wallon peut sans crainte demander l'avis de
son ami. L'abbé Rara, homme très cultivé, peut répondre de façon précise et
détaillée. Dans une
lettre du 2 Septembre 1836, là encore, l'abbé Rara répond à une question que
lui posait Henri-Alexandre Wallon concernant les limites de l'inspiration;
celui-ci demandait: " (...) Si dans l'inspiration des Livres Saints, l'homme auteur
disparait complètement sous l'action de l'Esprit Saint, ou si l'inspiration ne
s'étend qu'aux points importants à la foi, de façon qu'une généalogie
accessoire soit abandonnée à la faiblesse humaine de l'écrivain. "[91] La question
ici posée, montre que Henri-Alexandre Wallon est influencé par la théologie
allemande. Cette proposition est en effet soutenue par les théologiens
allemands et l'abbé Rara ne l'admet pas. Il ne la considère que comme une
hypothèse et il en analyse les inconvénients; ceux-ci sont au nombre de trois: - " (...) La difficulté (pour ne pas dire l’impossibilité) de
marquer la limite entre ce qui est accessoire, et ce qui ne l'est pas (...). - en admettant"(...) que la distinction soit possible (...),
entre les faits importants et ceux qui ne le sont pas, on ne voit pas trop
pourquoi l'Esprit Saint qui garantit l'écrivain de l'erreur dans le récit de
certains faits ne 1'en garantirait pas également dans tous les autres. "[92] - Certaines prophéties nous paraissent accessoires alors qu'en fait
elles étaient d'une importance incontestable. Leur accomplissement dont le
peuple était témoin fortifiait sa Foi dans les prophéties importantes qui
devaient être accomplies tout de suite après. Ici, Rara
n'est pas d'accord avec Henri-Alexandre Wallon dont les doctrines sont, lui
semble-t-il, trop proches de celles des théologiens allemands; il ne cesse de
lui faire remarquer et son correspondant
attache une grande importance aux réflexions de son ami. Il écrit en
effet à ses Parents en Juillet 1836 : " Ma thèse latine est entre bonnes mains; il faut dire à M. Rara
que je suis si convaincu qu'il me dira franchement et sévèrement son avis qu'il
me rendrait le plus mauvais service en ne le faisant pas, car il me mettrait complètement
dans l'erreur. "[93] L'abbé Rara
n'hésite pas à donner franchement son avis; dans une lettre du 17 Novembre 1835,
il lui conseille de profiter des travaux d'érudition des allemands pour la
partie historique de la thèse, c'est-à-dire pour montrer ce que les anciens ont
vu touchant le dogme de l'immortalité de l'âme. Il ne rejette donc pas
totalement les travaux des allemands. Il invite
ensuite Henri-Alexandre Wallon à continuer suivant ses propres idées se
permettant toutefois de lui donner quelques conseils: " (...) Ne vous contentez pas de montrer ce que le christianisme
a ajouté aux croyances anciennes, ce qu'il a donné de positif et de certain,
mais allez plus loin, et tâchez de faire voir, la chose n'est pas difficile que
la Révélation était absolument nécessaire pour faire connaître à l'homme sa
destinée future. "[94] Il poursuit
: " Dans les questions de l'origine de l'homme et de la Foi (...) si
je puis vous fournir quelques renseignements utiles à ce sujet, comme dans tout
le reste vous savez que je suis tout à votre disposition. Je vous trouverai
facilement les principaux passages de l'Ancien Testament relatifs à la question
de l'immortalité de l'âme, et à la vie future. »[95] Enfin quand
Henri-Alexandre Wallon lui soumet le plan de sa thèse l'abbé Rara l'approuve: " Votre grande division me paraît naturelle. Preuves propres à la
Philosophie tirées de la nature même de l'âme (argument physique) - et de la
considération de ses facultés (argument intellectuel) - 2° Preuve religieuse ou
empruntée par la Philosophie à la Religion (argument moral) "[96] Il ajoute
que Henri-Alexandre Wallon est un peu sévère quand il dit que l'argument physique
ne signifie rien. En Août 1837,
il passe sa thèse latine, thèse de doctorat, avec succès. Sa publication
provoqua des réactions hostiles. Le jugement de Georges Perrot dans sa notice
est lui-même sévère : " Ce n'est qu'un résumé sommaire, fait d'après des ouvrages de
seconde main. L'auteur ne distingue point entre les conceptions successives par
lesquelles a passé l'esprit des peuples anciens, quand il a essayé de se
figurer-cette vie posthume à laquelle il voulait croire. Ces conceptions si
diverses, il les confond toutes sous une même rubrique. "[97] On peut en
effet reprocher à Henri-Alexandre Wallon d'avoir confondu diverses conceptions :
notons toutefois qu'il s'agit de son premier travail sur les Ecritures et qu'il
n'est pas un homme d'Eglise. Cependant il
n'est pas juste de dire qu'il a utilisé des ouvrages de seconde main; nous
avons vu l'étroite collaboration de l'abbé Rara à ce travail. Lui-même est un
homme d'Eglise ; il connait les Ecritures puisque pendant que Henri-Alexandre
Wallon travaillait sur sa thèse, il entreprenait un travail personnel, un
commentaire de la Bible. Cette thèse
latine n'a donc pas fait l'unanimité. Il faut toutefois préciser que si le
style n'est pas des plus clair, elle repose' cependant sur un important effort
de recherche. La thèse
française " DU DROIT D'ASYLE «, reçoit une meilleure critique de la part
de Georges Perrot, en revanche elle fut accueillie avec beaucoup de réserves
par le milieu universitaire. - " DU DROIT D'ASYLE "[98]La
correspondance échangée entre Henri-Alexandre Wallon et l'abbé Rara, nous
apprend que celui- ci avait suggéré un autre sujet; " Moïse considéré
comme historien "; il aurait s'agit alors de faire la preuve de
l'authenticité du Pentateuque et de l'unité de sa composition, en le séparant de
l'Ancien et du Nouveau Testament. Ainsi la moitié du chemin était faite pour
prouver l'unité de composition de tout l'Ancien Testament et pour montrer que
les faits de l'histoire de Moïse étaient incontestables[99].
Sur ce
sujet, l'abbé Rara et son correspondant ne se sont pas entendus sur tous les points.
En effet, Henri-Alexandre Wallon fait de l'authenticité du Pentateuque la
question principale et il ne lui semble pas possible de traiter le sujet proposé
par l'abbé Rara, sans avoir auparavant résolu complètement cette question. Il
aurait préféré présenter comme thèse une dissertation critique de
l'authenticité des Livres de Moïse. Il s'oriente
donc vers un autre sujet: l’histoire du droit d'asile, présentée chez les
anciens, au Moyen-âge et jusqu'à la suppression de ce droit dans les temps
modernes, comme une des formes d'une lutte engagée entre la Grâce et la Loi. Il
pose le droit d'asile en face du droit commun: " Le droit d'asyle est un droit d'appel: appel à Dieu de la
justice humaine; à l'auteur du droit, de l'abus que les hommes en font. C'est
donc ion droit placé au-dessus du droit commun, non pour le combattre, mais
pour le garder: pour le suppléer, quand il fait défaut, le redresser quand il
dévie (...). Mais le droit d'asyle n'est pas seulement un droit d'exil, droit
sacré des peuples primitifs, et qui se retrouve aux premiers âges de toutes les
nations; il se posa au sein même des cités, en face du droit commun. Ramenée
sur ce terrain plus humble, la question n'a pas moins d'intérêt. C'est dans
l'ordre judiciaire, la question de la Grâce et de la Loi. "[100] Il recherche
alors les réponses faites à cette question aux différentes époques de
l'histoire. Chez les
peuples dont la loi religieuse était aussi loi civile, indiens, perses, juifs, il
n'y a pas eu d'asile contre le droit: " La loi, élevée à la hauteur de loi divine, a conscience de son
équité, de son infaillibilité, et l'asyle ne doit avoir pour but que de
prévenir l'erreur, de modérer la violence. "[101] L'Inde ne
semble pas l'avoir connu et les juifs étaient régis par la Providence: Moïse ne
reconnaissait (comme les perses) aucun asile à ses décrets; il n'y avait pas
d'asile contre la loi. L'œuvre du divin législateur a été non pas d'établir la
grâce contre la loi mais de l'établir dans la loi. Cet équilibre a été
difficilement gardé par les peuples et le droit d'asile, droit divin, se
modifiait suivant la nature des dieux. Chez les
grecs, le droit d'asile correspond au droit aveugle de la fatalité. Les deux
principes opposés (droit de violence et droit d'asile) mais nécessairement
unis, forment comme les deux pôles du monde grec, tout repose sur eux. Rome, carrefour
entre les latins, les sabins et les étrusques, fut le point de rencontre de ces
peuples, le refuge de leurs opprimés: tout le monde y était accueilli. Henri-Alexandre
Wallon nous montre ensuite comment, Rome, qui fut formée et renouvelée par le
droit d'asile, n'en fut pas moins l'ennemie éternelle. " C'était la ville du Droit ; et pour n'être pas loi divine, la
loi romaine ne s'en croit pas moins sui juris; elle repoussa fièrement ce droit
de tutelle (...). Rien ne limita la puissance de la loi sur le citoyen, du
maître sur l'esclave. Pour tout droit d'asyle, elle accordait au citoyen
coupable le droit d'exil: on ne pouvait se soustraire à la loi, qu'en vivant
hors la loi (...). "[102] Dans cette
première partie de sa thèse, Henri-Alexandre Wallon a posé les bases de sa
discussion. En prenant pour modèle l'Antiquité, il en a analysé les erreurs
afin d'en dégager une idée de progrès, la notion de démocratie moderne. Il
parvient donc à l'ère chrétienne et il écrit: " Quand l'Eglise, (...), planta sa croix dans les temples païens,
elle n'en chassa point les malheureux qui venaient y chercher refuge, mais elle
ne prétendit pas en continuer les abus. (...) La remise des péchés, tel fut le
caractère de l'asyle de l'Eglise. "[103] L'Eglise
veut soustraire l'esclave à la rigueur du châtiment, elle combat la violence.
L'Eglise retient le principe de l'asile, en s'efforçant d'en réprimer les abus.
Henri-Alexandre Wallon insiste sur ce point: avant de supprimer l'appel au
droit divin, il fallait faire disparaître de la société ce droit de la violence
qui pouvait prendre les formes de la loi. Dans sa conclusion, il cite Saint
Jean Chrysostome: " Faire mourir le coupable, ce n'est point ôter le mal du monde, c'est
en chasser une âme malade. Pour guérir le mal qui est dans la tête, vous la
tranchez, moi je tranche le mal. "[104] Prévenant
les objections, il cite ensuite Saint Augustin: " Nous ne demandons pas de supprimer la licence du crime: mais
nous voulons qu'en laissant aux coupables la vie et l'usage de tous les
membres, on les amène, par la contrainte des lois, de ce malaise moral au calme
d'un esprit sain; qu'on les enlève à leurs œuvres d'iniquité, pour les
soumettre à des travaux utiles. Ce sera toujours une condamnation; mais qui ne
verra un bienfait plutôt qu'un supplice, là où sans laisser au crime plus de
relâche, on n'ôte point le remède du repentir- "[105] Henri-Alexandre
Wallon conclut à la suite de Saint Augustin: " Voilà le principe par lequel l'Eglise chrétienne voulait
régénérer le Droit romain, le principe qu'elle revêtait au moins de l'ancienne
forme de l'asyle, pour l'introduire dans le Droit barbare, et lui faire
traverser ces temps peu éclairés où l'idée ne pouvait vivre qu'en prenant, pour
ainsi dire un corps. (.../Que le Droit porte toujours la Grâce; elle sera son
guide comme il est son appui, et cheminant ensemble, ils arriveront
heureusement au terme du voyage. "[106] Il remarque
ainsi que les franchises de l'asile n'étaient pas compatibles avec les règles
d'un état bien ordonné et, cette constatation faite, il réserve les droits de
la Grâce. Cette thèse
fut accueillie avec beaucoup de réserve par les universitaires qui lui
reprochaient la trop forte influence de Mr. Michelet. Le 1er Août 1837, Henri-Alexandre Wallon raconte à sa famille la
soutenance de sa thèse: " J'ai été violemment attaqué, surtout par Mr. Villemain qui a
pris 2 ou 3 points de la thèse les plus accessoires, la page relative à Rome et
s'en est donné à son aise sur l'école historique dont elle portait l'influence.
Mr. Jouffroy a été un peu plus franc et m'a dit nettement de me garantir de
l'influence de Mr. Michelet. Si cependant
ils avaient lu ma thèse d'un bout à l'autre, ils auraient vu que ce n'était pas
l'influence de Mr. Michelet qui
m'animait. Ce qui m'inspirait c'était l'idée qui a été en même temps ma
conclusion: la pensée que l'Eglise attachait au droit d'asyle l'abolition des
peines sans remèdes, la mutilation et la mort. L'Antiquité où je cherchais
l'histoire du droit d'asyle n'était que la base sur laquelle je voulais poser
toute cette discussion plus importante et si cette deuxième partie offre
quelques lacunes je l'estime pourtant plus que la première qui, je crois, est
aussi complète que possible. "[107] Quoiqu'il en
dise, on retrouve dans ses idées d'abolition des peines, l'influence de Michelet qui avait une forte emprise sur l'esprit des
élèves. Cependant, il
faut souligner que Henri-Alexandre Wallon n'a pas eu de contacts avec Mr. Michelet concernant cette thèse. Dans la
lettre qu'il adresse à ses parents il poursuit : " Mr. Michelet est aussi allé voir hier soir Mr. Leclerc qui lui
a dit qu'on l'avait mis en cause à mon occasion. Il en a été fort surpris, lui,
à qui je n'ai jamais communiqué mes idées sur le droit d'asyle, mais il a
répondu à Mr. Leclerc qu'il acceptait d'avance la solidarité de mon travail. "[108] L'Echo de
Paris du 27 Février 1925 retraçant une biographie d'Henri-Alexandre Wallon à
propos du cinquantième anniversaire de la Constitution, note aussi cette
influence: " Le droit d'Asyle préfigure, aux yeux d'Henri-Alexandre Wallon,
de la République, on peut le croire. Dès lors en effet la passion de la liberté
l'a saisi autant qu'un Michelet, mais < cette liberté, il estime que
l'Eglise peut et doit seule en prévenir l'usage exclusif (...). Et l'on sent
qu'au-delà des démocraties antiques sombrées toutes dans l'anarchie, sa pensée
va à une démocratie moderne que le Christianisme garderait de tomber en
dissolution. "[109] A côté de
ces deux thèses, nous trouvons dans l'œuvre d'Henri-Alexandre Wallon, des
ouvrages plus théologiques qui sont le fruit d'une réflexion et d'une recherche
approfondie fondée sur la Bible et les Evangiles. 2 - 1854: La Sainte BibleEn 1854,
deux volumes paraissent sous le titre: " LA SAINTE BIBLE RESUMEE DANS SON
HISTOIRE ET DANS SES ENSEIGNEMENTS "[110],
avec pour dédicace: «A mes enfants au souvenir de leur mère - 28 Juin 1851 ". En effet,
nous avons déjà noté que la première inspiration d'Henri-Alexandre Wallon était
toute personnelle; profondément frappé par la mort de sa femme, il a recours
aux Livres Saints comme source de toute consolation, abandonnant même ses
travaux alors en cours. Cet ouvrage
est un récit, non une dissertation, dont l'objet principal est l'histoire de la
Religion, montrée dans la suite des faits merveilleux qui en ont marqué le
développement. La première
partie de l'ouvrage est consacrée à l'Ancien Testament; Henri-Alexandre Wallon
insiste sur l'importance du miracle et de la prophétie. Il proteste contre leur
rejet préalable car il pense lui-même que les miracles sont des faits constatés
par des témoignages, les prophéties, des témoignages vérifiés par des faits.
Nier que ces témoignages anticipés et ces faits surnaturels soient possibles, c'est
refuser à Dieu le droit de communiquer à l'homme les secrets de sa science
infinie, le pouvoir de suspendre l'action des lois qu'il a établies. Il ne s'agit
pas dans cet ouvrage de soumettre à un examen raisonné les prophéties et les miracles.
Parmi ceux-ci, il y en a dont la seule preuve est dans l'autorité de l'Ecriture
et d'autres qui servent de preuves à l'Ecriture elle-même, et consacrent son
autorité. Nous pouvons lire en avertissement: " (...) Il y a des miracles qui, indépendamment,' des
témoignages, sont prouvés par leurs effets; il y a des prophéties dont on ne
peut contester ni le sens ni la date. "[111] Ici, les
miracles et les prophéties sont considérés comme des preuves. Au contraire, il
y a dans 1 • l'Ecriture des paroles et
des actes qui pourraient donner lieu à des objections: " Ces imprécations, ces traits de vengeance, que l'on y trouve en
plusieurs endroits, ne sont-ce pas des choses que la religion elle-même
condamne? Oui: et, pour parler d'abord de ces invocations terribles, si
communes dans le Psalmiste et dans les prophètes, rien assurément n'excuserait
ce langage, s'ils le tenaient en leur propre nom. Mais si c'est Dieu qui parle
dans leurs écrits, comment dire qu'il excède son droit? "[112] Henri-Alexandre
Wallon voit là un aspect de la miséricorde de Dieu, qui en menaçant et en
effrayant le pécheur veut le racheter de ses fautes. Si la menace est vaine, la
clémence de Dieu fait alors place à la justice et nous n'avons pas à juger à
notre idée ses châtiments quand par exemple il appelle contre les coupables les
eaux de l'abîme ou le feu du ciel ou quand encore il arme les Juifs du glaive
exterminateur. Cependant, il ne faut pas rapporter aveuglément à Dieu tous les
actes de ce peuple; l'histoire sainte est aussi l'histoire des Juifs, et le
peuple de Dieu n'est pas un peuple de saints. La seconde
partie de l'ouvrage concerne le Nouveau Testament qui offre également certaines
difficultés. Il ne s'agit pas de substituer une rédaction nouvelle aux paroles
des Evangélistes; il faut garder leur texte, en prenant à chacun ce qu'il
fournit à l'histoire du Sauveur puis il faut mettre en œuvre, en évitant les
retranchements téméraires et les répétitions. Après
l'histoire du Sauveur, Henri-Alexandre Wallon raconte celle des temps
apostoliques; la difficulté réside dans la concordance des Actes et des Epi—
très. Pour y faire face, il considère en premier lieu les Epîtres dans leur
rapport avec l'histoire; ainsi, il en donne un simple sommaire dans le récit des
faits au milieu desquels chacune a paru. Puis afin que le lecteur goûte plus à
loisir les enseignements qui y sont renfermés il rejette une analyse plus
complète à la fin du volume. Ainsi les Epîtres servent à compléter le récit des
Actes mais surtout elles permettent de le continuer au-delà du temps où les
Actes le terminent. Telle est la
méthode utilisée dans cet ouvrage. L'auteur s'est efforcé de faire une
exposition de la vie de N.S. Jésus-Christ en y mettant le moins possible son
empreinte personnelle: quelques réflexions placées parfois au commencement ou à
la fin des chapitres pour faire saisir la marche et le progrès des événements
ou recueillir le fruit des enseignements du Sauveur; pour le reste il s'est
borné à traduire, s'effaçant ' souvent derrière les traductions de Bossuet. Cette œuvre
a été réalisée avec l'étroite collaboration de son ami et conseiller l'abbé Rara
et il ne manque pas de souligner dans sa préface le concours dévoué qui a servi
à rendre ce livre meilleur. " Je ne finirai point sans dire tout ce que je dois à mon
vénérable ami, M. l'abbé Rara, pour l'aide qu'il m'a prêtée dans ce travail. Il
a bien voulu le suivre pas à pas, les textes sous les yeux, et le contrôler
avec ce ferme jugement dont je ne puis faire ici l'éloge, et une expérience
acquise par toute une vie passée dans la méditation de la Bible. (...) Au
milieu de mon travail, je sentais la main d'un ami. Elle me faisait mieux comprendre,
elle me faisait mieux goûter tout ce qu'il y a de consolation et de charme dans
les enseignements des Livres saints. "[113] Au moment
où, Henri-Alexandre Wallon rédigeait son ouvrage, l'abbé Rara faisait des
recherches personnelles sur la Bible. Selon son habitude Henri-Alexandre Wallon
lui envoyait ses manuscrits que l'abbé Rara lui retournait avec des corrections
et des annotations. Celui-ci
dans une lettre du 12 Septembre 1853 lui donne ses impressions à la lecture du
manuscrit concernant le Livre des Juges. Il pense qu'il a raison de ne pas
reculer devant les détails vraiment repoussants que présente l'histoire de
l'Eglise des Juges. A ce sujet Henri-Alexandre Wallon avait mis en garde le
lecteur: " Le juge n'est pas un homme inspiré comme les prophètes: c'est
un homme suscité par Dieu, un homme d'action, instrument souvent aveugle d'une
force qui dirige son bras, mais non pas toujours son coeur et sa pensée. "[114] Cette
réflexion faite dès le début du chapitre concernant les Juges met ainsi le
lecteur en garde contre les impressions fausses qu'il pourrait éprouver à la
lecture de cette histoire. Concernant l’Apocalypse,
il faut souligner que Henri-Alexandre Wallon a emprunté quelques traits à
l'histoire profane et à la tradition mais avec une extrême sobriété, s'abstenant
de le faire pour toute la période comprise dans le récit sacré. Il pense qu'il
y a des vérités incontestables qui dépassent les limites de notre intelligence:
nous savons qu'elles sont mais nous ne savons pas ce qu'elles sont. Les
problèmes les plus essentiels à l'homme se rattachent à ces vérités ainsi que
les lois qui règlent sa vie en ce monde et dans l'au-delà. La Révélation nous a
été donnée pour nous apprendre de ces vérités ce qu' ±1 'importe que l'on en
sache. Mais rien ne doit être accepté sans preuve et la Révélation doit se
prouver. Elle se prouve par des faits qui, dépassant la puissance de l'homme témoignent
que celui qui parle est celui dont la parole a créé toutes choses: les
miracles, les prophéties. Pour Henri-Alexandre Wallon, il y a parmi les faits
surnaturels qui servent de base au christianisme, une prophétie écrite dans les
Livres et aujourd'hui réalisée, qui est la conversion des gentils et la
perpétuité de l'Eglise, miracle toujours existant à ses yeux. L'Eglise, quoi qu’on
n’ait jamais fait, quoique l'on fasse encore, durera En 1867, il
publie un petit ouvrage destiné à l'éducation religieuse de la jeunesse: «
ABREGE DE L'HISTOIRE SAINTE (ANCIEN ET NOUVEAU TESTAMENT) "[115].
Comme dans l'ouvrage précédant, il est question de l'histoire des origines et
de l'établissement de la Religion révélée dans le monde. De cette histoire
sainte, résulte deux enseignements: " Elle nous montre dans une suite admirable la Religion, établie
de Dieu à l'origine, se continuant sous la garde du peuple élu, jusqu'au jour
où complétée par la révélation des plus grands mystères, et consommée par le
sacrifice de Jésus-Christ, elle a pris sa forme définitive et va se répandre
dans le monde. Elle nous montre de plus, (...) l'action de la Providence dans
la conduite des choses humaines. (...) Elle met sous les yeux de chacun de nous
la règle à observer et les exemples à suivre; et si parfois dans les
patriarches, dans les juges, dans les rois les plus saints, on trouve des
faiblesses, ces exemples même sont sans danger: car auprès est la Loi qui les
condamne. "[116] Comme Saint Augustin,
Henri-Alexandre Wallon pense que ce sont des exemples à éviter et non à imiter
("et cavenda admonuit, non imitanda proposuit")[117].
En 1867, il
écrit à Monseigneur Dupanloup pour lui demander l'approbation de l'ouvrage
" LA SAINTE BIBLE RESUMEE DANS SON HISTOIRE ET DANS SES ENSEIGNEMENTS »
; il lui fait part de ses intentions lors de la rédaction de ce livre; il lui
dit avoir: " (...) voulu réunir dans un cadre historique les plus beaux
morceaux des deux Testaments et répondre aux objections tant par l'autorité des
faits exposés dans leur suite et dans leurs rapports avec les prophéties que
par la grandeur incomparable de cet ensemble de livres si divers où se
manifeste constamment la même inspiration. "[118]
La première
édition de cet ouvrage avait reçu l'approbation, le 4 Mars 1859, de
François-Nicolas Morlot archevêque de Paris. Un nouvel
ouvrage, reprenant en partie le second tome de "LA SAINTE BIBLE RESUMEE
DANS SON HISTOIRE ET DANS SES ENSEIGNEMENTS ", est publié quelques années
plus tard. Nous n'en verrons donc pas précisément le contenu; voyons plutôt
l'accueil qui lui a été réservé. 3 - 1865: « Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ selon les quatre évangélistes. "[119]Dans cette
publication, l'auteur relie les fragments des quatre Evangiles à mesure qu'ils
doivent, d'après la concordance, entrer dans le cadre de l’Histoire. Cet ouvrage
a reçu l'approbation de Monseigneur Darboy, archevêque de Paris ainsi que de
nombreuses approbations épiscopales. Citons quelques unes de celles-ci qui nous
permettent d'appréhender le ton de l'ouvrage : (...) Vous avez adopté, avec raison, la méthode d'exposition comme
étant la plus propre à porter la lumière dans l'intelligence et dans le coeur
de ceux auxquels vous vous adressez spécialement. "[120] (...) Vous écrivez en chrétien, vous dissertez en exégète érudit. "[121] (...) il résulte que cet ouvrage, dans lequel l'auteur s'est appliqué
à reproduire l'élévation et la clarté, la noblesse et la simplicité du récit
évangélique, ne renferme rien de répréhensible au point de vue de la doctrine
(...); il réunit les conditions d'un bon livre dont on est heureux de pouvoir
recommander la lecture et désirer la publicité. "[122] " Par votre talent d'analyse, et votre parfaite connaissance de
l'Evangile, vous étiez, Monsieur, admirablement préparé à la tâche que vous
avez entreprise. "[123] Ce livre a
fait l'unanimité de l'Eglise; le récit en est clair, simple et rapide. Il ne
nous est pas possible de reproduire ici tous les compliments dont il a fait
l'objet. La concision et l'exactitude en font, il nous semble, un livre de
mérite.[124] Cette œuvre
est déjà une réfutation, indirecte, du livre de Mr. Renan, dont nous aurons
l'occasion de parler en temps voulu. Notons que
ce travail de concordance a exigé beaucoup de recherches, de soins, d'exactitude
et d'érudition; il a exigé également un esprit de critique et une mise en œuvre
soignée. L'idée qui
guidait l'auteur était de faire un livre plus populaire que " LA SAINTE
BIBLE... ", à la portée de tous. Avant de
voir le contenu des autres ouvrages rédigés par Henri-Alexandre Wallon, nous ne
pouvons nous empêcher de citer un extrait de la lettre envoyée par 1'Evêque
d'Orléans, au sujet de cet ouvrage: " J'oserai vous dire, monsieur, de continuer dans cette voie, avec
courage et persévérance: venger la vérité divine, et venir au secours de tant
d'âmes mal défendues par la prévention, la légèreté et l'ignorance, contre les sophismes
d'une fausse et mensongère érudition, oui, la tâche est belle, et le rôle est
grand; et rien n'est plus digne de vous. "[125] Henri-Alexandre
Wallon achève son livre par une apologie de la Foi: " (...) Le peuple, dans son bon sens, ne s'y trompera point. Il
se défiera justement d'une doctrine qui, en détruisant le principe de toute foi
en Dieu, affranchit de toute crainte le puissant et livre la société à l'empire
absolu de la force; (...) Il ne reniera pas le Libérateur (...); il le sentira
plus proche de soi parce que lui aussi, le Sauveur, a souffert et bien loin de
l'outrager, à la croix, de ses blasphèmes, de ses doutes, de son indifférence, il
s'écriera, à la vue même du sacrifice: " Mon Seigneur et mon Dieu ". "[126] 4 - Les Saints Evangiles.Au cours de
ses recherches sur l'Ecriture Sainte, Henri-Alexandre Wallon a entre les mains
les œuvres de Bossuet. En rangeant dans l'ordre des versets les textes
disséminés parmi les ouvrages de celui-ci, il a eu sous les yeux une traduction
nouvelle des évangiles: la plus grande partie de Saint Jean, des chapitres
entiers de Saint Matthieu et de Saint Luc et des chapitres moins complets chez
Saint Jean. Il projette
alors de faire un travail sur les Evangiles traduits par Bossuet. Il s'agit de
recueillir dans les œuvres de Bossuet des fragments de la parole divine de
manière à en composer un tout puis de rapprocher de ces versets, les réflexions
qu'ils avaient inspirées à Bossuet lui-même et que l'on trouve dans ses
ouvrages. L'abbé Rara, à qui Henri-Alexandre Wallon a fait part de son projet, lui
écrit son enthousiasme dans une lettre dans laquelle il approuve ce travail, tant
sur le plan littéraire que religieux. [127] Henri-Alexandre
Wallon a recours à tous les ouvrages de Bossuet, en particulier les "
Elévations sur les Mystères ", les " Méditations sur l'Evangile
" et bien sûr les " Sermons ". Sa préférence va aux manuscrits
de Bossuet qu'il a pu trouver à la Bibliothèque Impériale. Le livre est édité
en 1855, en deux volumes sous le titre: « LES SAINTS EVANGILES TRADUCTION TIREE
DE BOSSUET AVEC DES REFLEXIONS PRISES DU MEME AUTEUR ".[128] Dans la
préface, Henri-Alexandre Wallon souligne le plaisir qu'il éprouve de pouvoir
travailler sur les manuscrits de Bossuet: " (...) le bonheur de toucher ces feuilles consacrées par la main
de Bossuet, et d'assister en quelque sorte à l'enfantement de sa pensée. "[129] Face à ces
manuscrits, il s'est trouvé dans un double embarras: plusieurs versets ont été
traduits un grand nombre de fois par Bossuet, d'autres ne l'ont été nulle part;
il y avait donc d'une part des variantes, d'autre part des lacunes. Deux
problèmes se posaient alors: comment, pour faire une traduction la plus
complète possible, suppléer à ce que Bossuet n'a pas dit et comment choisir
entre ce qu'il a exprimé à diverses occasions ? Pour le
choix des variantes, il choisira ce qui rend le plus exactement le texte, tout
en étant conscient de la difficulté du choix et en considérant que la nuance
est délicate. De plus le choix intervient entre les livres publiés par Bossuet
lui-même et ceux qui ont été publiés après lui. On sait que la rigueur était le
caractère dominant des traductions de Bossuet. Le deuxième problème concernait
les lacunes; comment lier entre eux les fragments disséminés que l'on trouve
dans l'œuvre de Bossuet ? Henri-Alexandre
Wallon a la possibilité de trouver les suppléments dans Fénelon, Bourdaloue,
Fiéchier, Massillon mais leurs œuvres ont de trop grandes diversités de
caractère. Il préfère donc compléter Bossuet par lui-même c'est-à-dire qu'il
prend son commentaire, pour la plus grande partie dans Bossuet. La lacune, chez
celui-ci, nous la trouvons dans le récit des actes du Sauveur et non dans
l'Enseignement direct, dans les Paroles. En effet, celles-ci, à l'exception de quelques
paraboles ont généralement été reproduites chez Bossuet. En outre, le récit
offre davantage de lacunes mais par les morceaux choisis avec suite par
Bossuet, il est aisé de le retrouver car on sait la simplicité de l'action dans
l'histoire du Sauveur. Concernant les passages qui n'ont pas été traduits,
Henri-Alexandre Wallon reprend la règle et la pratique de Bossuet en traduisant
selon la Vulgate avec le secours du grec pour se guider. Ces suppléments sont
signalés entre crochets à l'attention du lecteur dans la première édition. Cette
méthode de travail n'est pas sans soulever quelques critiques; l'abbé Rara, à
qui comme de coutume Henri-Alexandre Wallon envoie ses manuscrits afin de les
faire corriger, est le premier à le mettre en garde; il lui conseille d'être
"on ne peut plus réservé " lorsqu'il entreprend de corriger ou de
changer Bossuet dans les passages qu'il semble avoir rendus plus librement[130]. Dans "
Le Correspondant " du mois de Mars 1857» Charles Lenormant parle en termes
élogieux du travail d'Henri-Alexandre Wallon, soulignant le service qu'il rend
ainsi à la religion et à la littérature. Cependant il écrit: " (...) d'où vient qu'après avoir avidement plongé ses lèvres
dans le breuvage préparé par la docte patience de Mr. Wallon, on se sent encore
altéré? " Il pose ici
le problème du choix des passages de l'œuvre de Bossuet, et il ajoute: " (...) je me prends à douter que Bossuet lui-même eût approuvé
sans réserve l'entreprise de Mr. Wallon, et qu'il eût vu un monument élevé à sa
gloire dans une marqueterie dont il n'avait pas destiné les matériaux à cet
usage. " Henri-Alexandre
Wallon avait été sensible à ceci et il l'avait noté dans la préface de la
première édition : " Il y a d'autres choses qui sont en quelque sorte de nécessité
et dont nous devons faire juge le lecteur lui-même (...). En rapprochant dans
leur suite ces textes épars pour en faire une traduction continue, nous faisons
une chose que Bossuet n'a pas faite; nous devons, avant tout, nous garder d'y
faire ce qu'il n'a pas pu vouloir. "[131] Poursuivant
son article, Charles Lenormant suggère à Henri-Alexandre Wallon de mentionner,
dans une deuxième édition, les endroits des œuvres de Bossuet auxquels se
rapportent les fragments dont il fait usage. L'édition de 1863 tient compte de
cette réflexion. Dans un
article de "l'Union" du dimanche 15 Novembre 1857, Mr. Henry de
Riancey rend justice aux patientes et consciencieuses recherches de Mr. Wallon.
Il parle en forts bons termes du savant qui: "(...)
a tenté de nous faire ce don inestimable, et qui y a presque complètement
réussi. " Il précise à
ce sujet sa pensée en notant que, ne pouvant donner une traduction complète de
la main de Bossuet qui ne l'a pas faite, Mr. Wallon l'a donnée au moins aussi
complète. Il loue la patience infatigable et la conscience respectueuse avec
laquelle Henri-Alexandre Wallon a reconstitué le texte sacré, chapitre par
chapitre, verset par verset. Telle a été, dit-il l'ambition, telle
l'entreprise, telle la réussite de Mr. Wallon. L'ouvrage
est en effet présenté par chapitre, selon les évangélistes. L'édition de 1863
se présente sous forme de deux tomes; le premier est consacré à Saint Matthieu
et Saint Marc, le deuxième à Saint Luc et Saint Jean. Chacun des quatre
évangiles est divisé en chapitres composés des versets placés les uns à la
suite des autres. A la suite de chaque chapitre, nous trouvons une partie
consacrée aux réflexions de Bossuet avec les références des œuvres auxquelles
elles se rapportent. Mr. Henry de
Riancey termine son article en remerciant Mr. Wallon pour le bien que son œuvre
fait aux âmes car c'est le seul but enviable et la seule récompense : " Enfant dévoué, Mr. Wallon avait déjà présenté à l'approbation
de l'autorité ecclésiastique son excellent résumé de l'Ancien Testament, et
l'autorité de deux Archevêques avait béni ses travaux. Il en sera de même pour
son livre qui nous paraît un service rendu à la religion et aux lettres. "[132]
Le 1er Août
1863, " Les Saints Evangiles " est approuvé par Monseigneur
l'Archevêque de Paris, Georges Darboy. Monseigneur Dupanloup dans une lettre du
19 Mai 1864 qu'il adresse à Henri-Alexandre Wallon, fait le souhait de voir cet
ouvrage entre les mains de tous les chrétiens: " (...) c'est là qu'ils verraient l'Evangile tel qu'il est, et
qu'ils apprendraient à traiter avec le mépris qu'elles méritent, les indignités
qu'on a osé présenter comme le véritable Evangile. "[133] Cependant, dès
1855, date de la parution de l'ouvrage, s'était posé le problème de sa
diffusion car toutes les critiques n'étaient pas en sa faveur. Après un long
moment de déception Henri-Alexandre Wallon voit son ouvrage gagner les
suffrages des lecteurs. Dans son
travail d'écrivain, Henri-Alexandre Wallon avait deux objectifs; le premier, faire
connaître les livres Saints à un plus grand nombre de personnes, c'est ce que
nous venons de montrer. Le second dessein était de faire une œuvre plus
apologétique, afin de répondre aux dernières attaques dirigées en Allemagne contre
nos Saintes Ecritures et de défendre l'authenticité et la vérité des Evangiles.
Voyons maintenant qu'elle fût cette œuvre apologétique. III - L’apologie de la foi dans l'œuvre d'Henri-Alexandre Wallon.1 - " De la croyance due à l'Evangile ".En 1858 il
fait paraître un ouvrage intitulé: " DE LA CROYANCE DUE A L'EVANGILE
", sous-titré ainsi: " examen critique de l'authenticité des textes
et de la vérité des récits évangéliques "[134].
C'est sur le terrain même de la science et de l'histoire qu'il attaque ses
adversaires, et qu'il renverse pièce à pièce leurs objections et leur
argumentation. Depuis un
siècle en effet, un courant venu d'Allemagne dirige ses attaques contre les
Saintes Ecritures et contre l'authenticité des Evangiles. Deux méthodes
principales se partagent l'histoire de l'exégèse hétérodoxe allemande: La
méthode rationaliste et la méthode mythique. Ce courant
allemand récuse absolument le miracle, or c'est la preuve même, pierre
angulaire de tout le système de la démonstration du christianisme. Il part du
principe que le miracle est impossible, la raison ne doit pas l'admettre et il
attaque par là-même la véracité des récits évangéliques. Ceux-ci apparaissent
ainsi comme des mythes et comme des impostures. Deux écoles répandent ce
système de pensée. L'école rationaliste,
avec le docteur Paulus, Bahrdt (« Le
plan et le but de Jésus " ), Venturini (« Histoire naturelle du prophète
de Nazareth " ), développent deux thèmes : - Le Christ est un imposteur qui profite de l'ignorance crédule de ses
contemporains pour faire croire à la divinité de sa mission. - En considérant qu'ils acceptent les faits des Livres Saints, les
gens de cette école rationaliste, en cherchent l'explication dans l'ordre
habituel de la nature. Concernant
le fait merveilleux, l'école rationaliste admet le fond du récit mais
l'explique en tenant compte du siècle et des personnes qui nous l'ont transmit,
des formes reçues a telle ou telle époque pour exprimer les faits. Le phénomène
rationaliste consiste à scinder les témoignages: on prend le fait et on retranche
les circonstances qui l'accompagnent; ainsi, on le transforme en une chose
nouvelle, arbitraire, qui devient alors en contradiction avec la pensée et le
texte de l’auteur. Au moment de
la parution de l'ouvrage d'Henri-Alexandre Wallon, ce système est déjà dépassé
mais, se substitue à lui l'école mythique dont le représentant le plus
remarquable est le docteur Strauss. Cette école, comme l'école rationaliste,
rejette les miracles mais elle nie également que le prodige soit un fait; elle
porte le doute sur le récit lui-même et rend compte de sa formation sans lui
accorder de valeur historique. Pour les
écrivains de cette école, l'histoire évangélique n'est plus qu'une légende.
L'un des principaux fondements de sa théorie est le rejet de l'authenticité des
évangiles. Cette école s'efforce de prouver que 1'époque où les traditions sur
la prédication du Sauveur ont été fixées par écrit est bien plus récente qu'on
ne le croit généralement. Pour réfuter
les différentes attaques de ces écoles' Henri-Alexandre Wallon entre en lice
avec son ouvrage " DE LA CROYANCE
DUE A L'EVANGILE: ». Il pose et
répond à deux questions principales: - Les récits évangéliques sont-ils l'œuvre des auteurs auxquels on
.les attribue, et furent-ils écrits dans le temps qu'on assigne à leur
rédaction ? - leurs auteurs sont-ils véridiques, c'est-à-dire éclairés et sincères
? Puis vient
s'intercaler un troisième problème: - Les textes évangéliques tels que nous les ~ possédons sont-ils les mêmes que les possédaient
nos Pères de la Foi, ou bien ont-ils subi, par l'effet du temps, une altération
telle, que l'on doive leur accorder seulement une confiance douteuse ? On voit
l'importance et la gravité de la question; ne pas pouvoir la résoudre rendrait
suspects les fondements mêmes de la foi chrétienne. Dans le
premier chapitre de son ouvrage, Henri-Alexandre Wallon établit l'authenticité
du texte des • évangiles et des autres livres du Nouveau Testament. Il réunit
dans ce chapitre les témoignages des trois premiers siècles en faveur de nos
évangiles. Deux exégètes anglais, Lardner et Norton ont déjà recueilli les textes
qui servent de base à cette discussion. Notre écrivain les examine et conclut. Il
appuie sa démonstration par la recherche de toutes les citations contenues dans
les ouvrages des plus anciens Pères, depuis ceux du 1er siècle, contemporains
ou successeurs immédiats des apôtres, comme 11épître de Saint Barnabas, le
Pasteur d'Hermas, les deux épîtres du Pape Saint Clément aux Corinthiens, les
sept épîtres de Saint Ignace et 1*épître de Saint Polycarpe aux Philippiens, en
continuant sa revue dans les siècles suivants par les écrits de Saint Justin
martyr, de Tatien, d'Athénagore, de Tertullien, d'Origène, de Minutius Félix, d'Arnobe,
de Lactance, en un mot, de tous les apologistes. Il se sert de ces différents
écrits pour établir l'authenticité des Evangiles. Avant tout, il
y consacre un long examen afin d'en établir leur authenticité puis, reprenant
l'un après l'autre chacun des écrivains des temps apostoliques, il montre quel
argument on peut avec justice en tirer en faveur des Evangiles. Son objectif
est de montrer que dès l'époque qui suit immédiatement la première prédication
de l'Evangile, les récits étaient ceux qui sont parvenus jusqu'à nous et il
réfute tous les arguments du docteur Strauss et de ses adeptes. Il aborde
ensuite l'examen des preuves d'authenticité qu'on peut tirer des Livres du
Nouveau Testament pris en eux-mêmes. Sa méthode consiste à prouver
l'authenticité d'un seul des quatre évangiles car: " On ne peut plus parler de rêve, si l'on a un seul témoin digne
de foi qui atteste les faits. »[135] Il prend
l'Evangile de Saint Luc car c'est celui qui embrasse la plus longue période. Il démontre
l'authenticité des Epîtres de Saint Paul quant aux temps et quant à leur
auteur. Il établit
ainsi que les épîtres sont antérieures à la ruine de Jérusalem et la plupart à
la persécution de Néron. Tout y prouve que la ville sainte est encore debout,
l'Eglise chrétienne de Jérusalem pauvre et souffrante, la religion des Juifs en
possession de son temple et dans le plein exercice de son culte. La ruine de
Jérusalem n'était pas encore arrivée. Quant à la persécution de Néron, l'Epître
aux Romains témoigne qu'on ne la prévoyait pas même encore. En ce qui
concerne l'authenticité de l'auteur, elle est hors de toute controverse. Il
s'agit là de vraies lettres, remplies de tels détails et de telles
circonstances, de telles rencontres, qu'il serait absurde d'émettre l'hypothèse
d'une composition postérieure falsifiée. Et Henri-Alexandre Wallon nous dit: " Si les Epitres de Saint Paul sont authentiques, leur
authenticité entraîne celle des Actes, et l'authenticité des Actes celle du
troisième Evangile: c'est à ces termes que nous ra menons toute la question. "[136] Il conclut
ainsi sa longue et patiente démonstration : " Ainsi on a dans Saint Paul un témoin grave, judicieux, sincère
et non prévenu: (il avait commencé par persécuter les fidèles). Or, ce témoin
atteste les miracles qui ont servi à fonder l'Eglise; il les a vus, il en a
fait: i le déclare si nettement, qu'il ne faut point chercher de biais pour
décliner son témoignage (...) Saint Paul est donc témoin, et il suffit à lui
seul pour défendre contre toute attaque le fondement historique de la Foi. "[137] Il en vient
alors aux Actes des Apôtres et montre leur liaison intime avec les Epîtres de
Saint Paul. Il révèle le caractère historique et l'exactitude de ce Livre en
montrant le parallèle qui existe entre ses récits et l'histoire générale de
l'Empire Romain. Il établit ainsi la nature toute historique et la véracité des
Actes des Apôtres ainsi que l'exactitude du nom de l'auteur auquel ce Livre est
attribué. Les Actes des Apôtres sont contemporains des Epîtres de Saint Paul
par les innombrables rapprochements qui établissent leur identité. L'auteur ne
saurait être qu'un disciple et un compagnon de Saint Paul, celui-là même que
l'Eglise a toujours désigné, Saint Luc, médecin, originaire d'Antioche dont
l'apôtre parle comme de son acolyte le plus cher et le plus fidèle aux temps de
ses deux captivités. Pour
l'argumentation de ces deux points que sont l'authenticité quant au temps et
quant à l'auteur, il déclare emprunter aux travaux de Paley et à ceux de
Lardner, les deux exégètes anglais qui ont montré avec une admirable précision
les ressemblances inattendues, les coïncidences singulières qui témoignent de
la sincérité des Livres Saints. La multiplicité de ces coïncidences établissait
une connexion invincible entre les Epîtres de Saint Paul et les Actes.[138] Or, les
Epîtres de Saint Paul sont incontestablement authentiques, soit quant à leur
auteur, soit, quant aux temps de la rédaction; donc les Actes sont également
authentiques, c'est-à-dire rédigés dans le même temps que les Epîtres, par un
contemporain et un disciple de Saint Paul. Rien ne s'oppose alors à ce qu'on le
nomme, Saint Luc, et qu'on y voit le compagnon fidèle dont Saint Paul parle
dans ses Epîtres. Reprenant
l'argumentation de Lardner, Henri-Alexandre Wallon montre»* que les Actes des
Apôtres ne tirent pas uniquement leur autorité de leur comparaison avec les
Epîtres de Saint Paul mais qu'ils l'ont d'abord en eux-mêmes. Ils se trouvent
en conformité avec l'histoire, soit judaïque, soit romaine, de ces temps-là. De
l'authenticité d'un seul des Evangiles découle avec certitude celle des autres,
c'est ce que notre écrivain établit dans son quatrième chapitre. Cette
nouvelle proposition sera intégralement prouvée si l'on établit que les deux
Evangiles de Saint Matthieu et de Saint Marc sont antérieurs à celui de Saint
Luc. Il s'agit donc d'établir cette antériorité; c'est ce que fait
Henri-Alexandre Wallon en expliquant la ressemblance des trois premiers
Evangiles, ressemblance incontestée qui affecte non seulement le fond du récit
mais souvent aussi les tours de phrases et de mots. Il explique cette
ressemblance par le fait que le premier aura été connu du second, et les deux
premiers du troisième. Les communications étaient faciles grâce à l'état des
provinces de l'Empire romain: elles étaient inévitables, en raison de la nature
même et de l'état de la religion chrétienne, de ce grand mouvement d'idées qui
ne cherchaient qu'à se répandre et qui avaient pour foyers trois principaux
centres de la civilisation en ce temps-là: Rome, Corinthe et Antioche. La question
se pose alors de savoir lequel des trois Evangélistes a écrit le premier.
Henri-Alexandre Wallon y répond dans une grande démonstration dont nous ne
donnerons que la conclusion: Saint Luc
est établit comme le dernier des trois Evangélistes; l'auteur du troisième
Evangile a écrit après Saint Matthieu et Saint Marc; mais il est aussi l’auteur
des Actes des Apôtres, écrits manifestement postérieurs à son Evangile, et aux
commencements desquels il rappelle nettement à Théophile, le récit précédent
qu'il a déjà donné de tout ce que Jésus a fait et enseigné». ( Act. I 1 -2 ) ": Saint Jean
est historiquement le dernier des Evangélistes; tout le prouve: le but de son
Evangile, les circonstances qui le déterminent à écrire, les caractères
intrinsèques de son œuvre, soit qu'on la considère, en elle-même, soit qu'on la compare aux
données de l'histoire générale, ou qu'on la rapproche des trois autres
Evangiles. Henri-Alexandre Wallon, avec une patience rigoureuse et savante
reprend une foule de traits qui prouvent que Saint Jean est le dernier des Evangélistes
et il note que les divergences que peuvent présenter sur certains points les
récits des Evangélistes, ne font pas obstacle à leur authenticité: " Les ressemblances entre les Evangélistes exigent donc que le
premier ait été connu des deux suivants. Leurs différences n'y font pas obstacle:
les différences de Tite-Live et Polybe sur les mêmes faits n'empêchent pas que
le premier n'ait été connu du second et que leurs historiens ne soient bien
authentiques. "[139] Le dernier
chapitre de la première partie de l'ouvrage concerne l'intégrité du texte; notre
écrivain examine les interpolations et les changements que le texte aurait pu
subir durant le cours des siècles, et par la comparaison des variantes des
manuscrits et des leçons des diverses versions antiques, il montre que, sauf un
ou deux points douteux et d'une importance secondaire, le texte, dans les plus
anciens manuscrits et dans les plus anciennes traductions, est semblable à
celui qui est parvenu jusqu'à nous, et que contrôle la Vulgate de Saint Jérôme. Il reconnaît
qu'il y a des points sur lesquels il puisse y avoir des doutes et il explique
les causes de l'incertitude; l'histoire de la femme adultère qui fait défaut
dans un assez grand nombre de manuscrits des Evangiles, ou qui y est marquée
d'un signe de doute, a été retranchée du texte sacré par un rigorisme trop
ardent : " C'est que peut être, a-t-on dit, on craignait que les femmes ne
fussent plus tentées de s'appliquer les paroles de pardon du Sauveur, que sa
recommandation de ne plus pécher. Le texte fut donc moins lu dans les églises (...).
"[140] Nous
retrouvons le même argument dans l'ouvrage de Mr Berger de Xivrey, " Etude
sur le Nouveau Testament " et Mr Richard Simon incline vers la même
conclusion dans son " Histoire critique du texte du Nouveau Testament
". La deuxième
partie de l'ouvrage d'Henri-Alexandre Wallon concerne la vérité des récits
évangéliques. Il montre
tout d'abord la conformité de l'Evangile et de l'Histoire en ce qui touche la
situation politique et morale de la Palestine au moment de la venue du Messie, le
nom, la personne et le caractère même de ses princes indigènes et de ses
gouverneurs étrangers; avec surabondance de preuves, il montre que sur tous les
points, l'histoire évangélique répond avec la plus grande exactitude à ce qui
nous est connu de ce temps-là. Puis il
aborde dans un chapitre particulier la grande question des miracles, sujet de
révolte des incrédules et que notre écrivain qualifie " d'objections de
fantaisie " s'appliquant aux faits naturels et surnaturels. Ce sujet ayant
fait l'objet de deux ouvrages particuliers, nous étudierons l'analyse de ce
thème dans ceux-ci: « La vie de Jésus et son nouvel historien " et "
La nouvelle vie de Jésus du docteur Strauss. " 2 - "LA VIE DE JESUS ET SON NOUVEL HISTORIEN "[141]Le souci
principal d'Henri-Alexandre Wallon est ici de réfuter. Il différencie ainsi les
réfutations sérieuses des auteurs allemands de la critique ironique et non
scientifique de Mr Renan. Avant d'analyser l'œuvre d'Henri-Alexandre Wallon,
voyons en quoi consiste la doctrine de Mr Renan. Il part du
principe que le miracle n'est que l'inexpliqué. De là, il déclare
qu'antérieurement à toute recherche, à tout examen historique, il faut nier le
fait surnaturel. Il se
retranche obstinément dans le terrain de la métaphysique; Dieu est alors sans
personnalité, par conséquent sans intelligence et sans amour. Ni personnalité
ni liberté divine, donc ni Création ni Providence. Il n'y a ainsi nulle place
pour une action directe de Dieu, et donc, dans les principes d'une telle doctrine,
il faut reconnaître l'impossibilité du miracle; la seule notion du surnaturel
est contraire à l'essence de Dieu. Le plan de
l'ouvrage d'Henri-Alexandre Wallon se compose de deux parties: l’œuvre
critique, ou, comment Renan fait-il l'Histoire ? et, le roman, ou, comment
Renan entend-il le roman ? L'œuvre
critique comprend quatre chapitres: 1 - La doctrine de Mr. Renan, que nous avons mentionnée précédemment
et à laquelle l'Histoire doit bon gré mal gré s'accommoder. 2 - Les sources de l'Histoire: les Evangiles et en général les écrits
du Nouveau Testament, les compositions dites " Apocryphes de l'Ancien Testament
", les ouvrages de Philon et ceux de Josèphe et le Talmud de Babylone. Aucun
Evangile ne satisfait Mr. Renan ce à quoi Henri-Alexandre Wallon conclut: " Il est grand temps de clore ce chapitre; et, après tant
d'assertions en sens divers, on a bien le droit de demander à Mr. Renan quel
est actuellement son dernier mot. Il ne refuse pas de répondre. " En
somme, dit-il, j'admets comme authentiques les quatre Evangiles canoniques.
Tous, selon moi, remontent au premier siècle, et ils sont à peu près des auteurs
à qui on les attribue ( p. XXXVII ) ". A peu près ! Que dirait Mr. Renan
si on disait que son livre était à peu près de lui ! "[142] 3 - Méthode critique de l'auteur: par la simple exposition des récits
combinés, Henri-Alexandre Wallon veut montrer que la méthode de Mr. Renan est
le contraire de la méthode logique qui consiste à comparer les Evangiles et à
combiner leurs témoignages en cherchant dans une chronologie bien établie les
principes de leur concordance. Il montre ensuite : 4- Le ridicule de l'interprétation que Mr. Renan fait des textes en
ce qui concerne notamment la naissance de Jésus à Nazareth et la famille de
Jésus. Dans la
deuxième partie de sa réfutation, Henri-Alexandre Wallon met en évidence les propositions
contradictoires de M. Renan et son goût raisonné pour les contradictions. " Ce n'est plus un roman, c'est un rêve (...). Quand le livre est
fermé, on est fort embarrassé de se dire au juste ce qu'on y a vu et ce qu'il a
voulu nous montrer. "[143] Jugement
très sévère de la part d'Henri-Alexandre Wallon. Mais il l'explique dans, le
détail: il reprend point par point le développement de la pensée de Mr. Renan
touchant l'évolution religieuse de l'humanité avant Jésus-Christ, l'origine non
divine de Jésus-Christ et Sa vie publique, développement qu'il a auparavant eu
l'occasion de faire dans " LA SAINTE BIBLE RESUMEE DANS SON HISTOIRE ET
DANS SES ENSEIGNEMENTS ".[144] Ici, il
résume les principales erreurs de Mr. Renan en reprenant les trois périodes qui
d'après Mr Renan, constituent la vie publique de Jésus, à savoir la prédication
du royaume de Dieu, puis 1'" 'idylle" de Galilée, l'époque des plus
nobles enseignements moraux et enfin la sombre surexcitation des derniers mois,
accompagnée de l'annonce du jugement de Dieu et de la destruction de Jérusalem.
Et Henri-Alexandre Wallon conclut ainsi son développement: "' C'était peu en effet que de se dire le Messie, fils de David, fils
de Dieu: il fallait le faire croire; et il n'y avait que deux moyens de preuve:
l’accomplissement des prophéties et les miracles."[145] C'est le
terrain qu'il abordera dans le chapitre IV. Il prend pour exemple le miracle de
l'aveugle-né dont il est parlé dans Saint Jean et qui offre un caractère de
certitude absolu dans la constatation du fait, comme dans l'authenticité du
récit; la précision des détails ne permet pas de refuser au narrateur le caractère
de témoin. " Un tel fait, et il y en a d'autres de même sorte, suffit pour
mettre la puissance de Jésus hors de doute; et il faut faire autre chose que de
le passer sous silence ou simplement de le nier, avant de taxer le reste
d'illusion ou de folie. Quoiqu'il en soit, la question est, grâce à Mr. Renan,
reportée sur ce terrain. On ne peut plus faire abstraction des récits de
miracles dans l'Evangile; on ne peut plus retrancher de leur texte ce qu'ils
ont mis au premier plan. Ce ne sont plus les historiens de Jésus, c'est Jésus
lui-même qui est en cause. Il est ce qu'il a dit, le Messie fils de Dieu, ou il
n'est qu'un fourbe. Le héros de Mr. Renan n'est qu'un fourbe. "[146] Nous voyons
ici la pensée de Mr. Renan: il a essayé de découronner le Christ de sa divinité
en entourant d'hommages et de génuflexions sa grandeur humaine, il a inauguré
un genre nouveau: la négation avec l’encensoir ! Poursuivant
sa réflexion, Henri-Alexandre Wallon confond les erreurs de Mr Renan avec les
textes même qu'il a tirés de la source pure des Evangiles concernant la Passion
et la Résurrection du Christ: il est convaincu que l'Eglise atteste, non
seulement par ces témoignages apostoliques mais aussi par son existence, que
l'on ne peut contester, le grand fait sur lequel elle repose: la résurrection
de Jésus-Christ. Henri-Alexandre
Wallon conclut son ouvrage par un résumé du système de Mr. Renan et par le
nouveau portrait que celui-ci a dressé de Jésus; qu'est-ce donc que Jésus pour
Mr. Renan et quelle idée veut-il nous donner de son œuvre en ce monde ? A
l'entendre, Jésus n'avait ni dogmes, ni symbole; il ne proposait rien à croire,
il laissait chacun libre de croire ce qu'il voulait. Il n'est pas un spiritualiste; il n'a pas la moindre notion d'une âme séparée du
corps. Serait-il matérialiste alors ? Non; c'est un " idéaliste accompli, transcendant
", c'est-à-dire ne distinguant pas l'esprit de la matière, et ne croyant
pas que rien survive au corps. Voici
comment Henri-Alexandre Wallon perçoit le Jésus de Mr. Renan: " Un Jésus " idéaliste ", n'ayant pas l'idée d'une âme
séparée du corps; un Jésus qui, ne se croyant pas Dieu, ne croit pas non plus
qu'il y ait un Dieu déterminé hors de lui: un Jésus matérialiste, un Jésus athée,
comme on l'eût nommé autrefois, voilà l'idéal que Mr. Renan a substitué au
Jésus de l'Evangile. "[147] Voilà quel
fut l'accueil réservé à "La vie de Jésus" de Mr. Renan. Il ne faut
cependant pas passer sous silence le succès de l'ouvrage de Mr. Renan. L’empressement
des lecteurs, dès la parution de l'ouvrage est dû à la nouveauté de
l'entreprise et à l'exacte coïncidence de la philosophie de Renan avec les
tendances de son temps. Cependant
nombreuses sont les réfutations et elles ne manquent pas de pertinence. La
polémique entre Mr Renan et Henri-Alexandre Wallon est toujours restée sur le
plan de la courtoisie. Georges Perrot en témoigne : " Contristé par le succès qu'obtenait l'édition populaire de la
" Vie de Jésus ", il crut, en 1864, devoir prendre la plume pour
réfuter les assertions de son illustre confrère, Ernest Renan. Dans l'écrit
qu'il publia à cette occasion, il n'y a pas une violence, pas une insinuation
blessante. Cette discussion courtoise ne laissa, de part et d'autre, aucune
aigreur. "[148] Un autre
témoignage allant dans le même sens est celui de MM. LATREILLE et PALANQUE qui,
après avoir souligné la pertinence de la réfutation faite par Henri-Alexandre
Wallon, ajoutent: " Si la critique catholique avait su maintenir la discussion à ce
niveau, elle aurait eu assez beau jeu. "[149] La
conclusion d'Henri-Alexandre Wallon, s'adressant à Mr^. Renan est en effet
toute empreinte de cette pertinence : " Ne croyez pas vous donner avantage vis-à-vis du public, en
faisant de l'apostasie la condition d'une histoire sincère; et surtout n'annoncez
pas un cinquième évangile ! Un évangile qui parlerait de la naissance de
Jésus-Christ pour supprimer sa divine génération et profaner la virginité de sa
mère; qui exposerait ses miracles pour y montrer l'œuvre d'un charlatan, ses
prédictions pour affirmer qu'elles ont été " convaincues de mensonge
" , (...) et trouverait dans la doctrine même de la résurrection un
argument contre la spiritualité de l'âme et contre son immortalité; qui
décrirait enfin l'agonie de Jésus pour y chercher un doute sur sa mission et
sur son œuvre, et sa mort pour nier sa résurrection: ce cinquième évangile
n'aurait qu'un nom, dans toutes les communautés chrétiennes, " l'Evangile
selon Judas ".[150] Dans cette
lutte littéraire, l'objectif d'Henri-Alexandre Wallon était de montrer la
supériorité de la Foi sur la raison. Il poursuit son dessein dans la rédaction
d'un nouvel ouvrage publié un an plus tard. 3 _ "LA NOUVELLE VIE DE JESUS DU DOCTEUR STRAUSS "[151]En 1835» le
docteur Strauss avait fait paraître en Allemagne, " La vie de Jésus
", ouvrage dans lequel il considérait l'histoire évangélique comme un
mythe issu de l'idée préconçue que le peuple Juif avait du Messie. A la suite
du succès de l'ouvrage de Mr. Renan, Strauss reprend le sien et en fait une
édition populaire en deux volumes. En France, à la lecture de cet ouvrage, les critiques
ont été courtoises et l'ouvrage a été reçu comme une œuvre d'une profonde
érudition: " Un homme sérieux peut, à la rigueur, ne pas ouvrir le bel ouvrage
de Mr. Renan; mais quiconque pense est tenu de connaître à fond, qu'il l'approuve
ou qu'il la critique, la théorie du docteur Strauss. "[152] Le livre de
Strauss est composé de trois sections : - une introduction oui le docteur passe en revue les différents
travaux connus sur la vie de Jésus, discute la question des Evangiles, et leur
oppose ses principes; - une première partie où il présente une esquisse historique de la vie
de Jésus; - une deuxième partie, formant tout un volume, dans laquelle il traite
du mythe. Henri-Alexandre
Wallon analyse en premier lieu le système du docteur Strauss. Voyons quel est
ce système, développé dans l'introduction de l'ouvrage de Strauss. Le docteur
Strauss fait un exposé philosophique de l'impossibilité du miracle et, à partir
de cette idée il cherche à lui accommoder l'Histoire. Il analyse les défauts de
ses devanceurs : les inconséquences de Hess et de Herder, les contre-sens de
Paulus, les expédients de Hase qui rejette les miracles racontés par Saint
Jean. Il analyse les défauts des publications antérieures à la sienne avec
indulgence, car nous dit Henri-Alexandre Wallon, ces savants ont pour excuse de
n'avoir pas connu les travaux du docteur Strauss ![153].Poursuivant
son développement, Strauss reproche à Weisse, qui pourtant ne l'a pas trop mal
accueilli, son obstination dans l'absurde. A Ebrard, qui l'a rejeté, il lui
reproche ses indécences. Il s'en prend également à Ewald. Dans la
critique contemporaine, seuls MM. Renan et Baur sont épargnés; à Renan, il lui
accorde son estime et, si Baur n'a pas approuvé l'idée mère de son système mythique,
il lui a suggéré une manière de le renouveler et de plus, il.est, contrairement
au sentiment général de la critique d'alors, son soutien contre Saint Jean.
Strauss conclut ainsi son introduction: " Dans les cas où non seulement le détail d'une aventure est
suspect à la critique et le mécanisme extérieur exagéré, mais encore où le fond
même n'est pas acceptable à la raison (...) dans ces cas, dis-je, non seulement
les prétendues circonstances précises, mais encore toute l'aventure, doivent
être considérées comme non historiques. "[154] En premier
lieu, Henri-Alexandre Wallon analyse ce système. Il repose sur la question des
Evangiles; en quelque sorte, Strauss les élimine car, rapportant des faits
surnaturels, ils ne peuvent être considérés comme des documents authentiques. Henri-Alexandre
Wallon s'élève contre cette méthode historique qui juge de l'authenticité des témoignages
d'après la nature des faits affirmés. La vraie méthode historique veut qu'on
juge des faits d'après des témoignages authentiques. Ainsi, la méthode de
travail de Strauss est jugée sévèrement : " Le système d'interprétation du docteur Strauss, loin de rien éclaircir,
obscurcit tout, et c'est là son objet. Il n'y a qu'un moyen d'y voir clair, c'est
de passer l'éponge et de revenir du commentaire au récit tout simple de l'Evangile.
"[155] Henri-Alexandre
Wallon analyse ensuite la façon dont sont perçus le mythe et les diverses formes
du mythe, chez Strauss. Reprenant les exemples trouvés dans l'ouvrage de
Strauss, il constate que chez lui il y a une manie mythologique; il rapporte
l'histoire évangélique aux inspirations de l'Ancien Testament, rien n'échappe à
cette manie mythologique. La
conclusion d'Henri-Alexandre Wallon est sévère au sujet de cette œuvre: cette
nouvelle édition ne présente rien de neuf par rapport à l'ancienne. La nouveauté,
toutefois, ne réside pas dans l'appréciation des faits mais dans l'esprit du
système. Strauss trouve dans Suétone tous les miracles de l'Evangile,
"depuis la génération surnaturelle jusqu'à l'Ascension"; Suétone
lui-même est mis en regard des Evangélistes. Henri-Alexandre Wallon s'élève
contre ce système; voyons sa conclusion quant à l'ouvrage de Strauss: " Eh bien, n'en déplaise aux admirateurs infidèles de M. Renan, devenus
les preneurs du docteur Strauss, son livre aussi est un roman (...) un roman
d'annotateur, un roman de scholiaste, le roman le moins fait, quoiqu’ils en
disent, pour devenir populaire: car c'est poursuivre une popularité de mauvais
aloi, c'est manquer au peuple, que d'imaginer qu'on se rendra populaire en se
jetant dans le trivial. Or n'est-ce pas là ce que fait le docteur Strauss, tournant
en ridicule les procédés de ses rivaux (...). "[156] En
conclusion de cette étude sur les écrits religieux d'Henri-Alexandre Wallon, nous
noterons quelques réflexions inspirées de cette lecture puis nous laisserons la
parole à deux de ces proches : Mr Louis Havet, Président de l'Académie des
Inscriptions et Belles Lettres, à laquelle Henri-Alexandre Wallon appartenait
et Mr Alfred Croiset, fils d'un ancien camarade d'Ecole d'Henri-Alexandre
Wallon. Ces écrits
font preuve d'une grande érudition; on y sent le travail du savant qui possède
une documentation sérieuse due à une recherche scrupuleuse, la conscience de
l'érudit qui aime à remonter aux sources. Le travail ne manque ni de clarté ni
de méthode, le style y est tout empreint d'une rigueur classique. Nous reprocherons
à l'écrivain d'être trop long dans ses écrits ce qui en rend parfois la lecture
malaisée. Laissons
maintenant la parole à deux de ses amis. - " Pareil aux grands laïques du XVIIème siècle, il aimait, selon
la juste remarque de notre confrère M. Louis Havet, à faire plus directe- -ment
œuvre de chrétien et de théologien. De là ses travaux sur les Evangiles, auxquels
il revenait toujours comme à la source de sa vie morale'. Il se donna le
plaisir de rechercher dans les œuvres de Bossuet les traductions éparses de
l'Evangile, et, de ces fragments rapprochés, il fit une traduction complète qui
édifiait à la fois en lui le chrétien et l'admirateur de Bossuet. De là aussi, ses
polémiques avec Renan, à l'occasion de la " Vie de Jésus "; polémiques
très vives au fond, mais toujours courtoises, comme il convenait entre
confrères d'une même Académie, et qui ne laissèrent à chacun des deux
combattants aucun ressentiment personnel, aucune aigreur. (...). Les personnes
n'étaient pas en jeu. Les adversaires parlaient deux langues différentes, mais
chacun parlait la sienne avec noblesse et sincérité. "[157] - " Son catholicisme profond, libéral, plein de droiture, qui ne
le gênait pas (je puis témoigner là-dessus) pour rester cordialement fidèle à
toutes ses affections de jeunesse, a fait aussi le caractère particulier de son
œuvre écrite. Elle comprend, comme celle d'un laïc du XVIIème siècle, des
livres de sujet purement religieux, et, même dans les autres, (...), elle reste
pénétrée de préoccupations chrétiennes. "[158] CONCLUSIONTout au
long- de notre étude, nous avons souhaité montrer qu'Henri-Alexandre Wallon fut
avant tout un Chrétien; il nous a semblé nécessaire d'approfondir cet aspect de
son caractère, insuffisamment connu. Dans chacun
de ses devoirs, il voyait l'accomplissement de la volonté de Dieu et, sa foi
ardente, réfléchie ainsi que sa spiritualité fortement enracinée ont inspiré
ses activités. Dans le
combat qu'il mena dans le débat sur l'enseignement, dans ses écrits et dans sa
vie vécue pieusement, il défendit la Religion. Il
s'agissait de montrer dans cette étude comment il concilia ce trait de son
caractère avec les circonstances de la vie. Universitaire,
il n'a pas hésité à défendre l'Université quand il le jugeait nécessaire. Ecrivain, il
rédige un grand nombre d'ouvrages religieux afin de défendre la Religion et
partager sa Foi; il puise aux sources du christianisme afin de montrer que la
Révélation fait partie de l'Histoire. Dans
l'intimité de sa vie familiale, il se conduit en croyant, pratiquant, essayant
même de ramener son Père à la Foi. Son attitude vis-à-vis de sa fille Marie
aura pu surprendre, mais sa réaction fut celle du Père de famille derrière
lequel se retranchait le chrétien. Il avait un
idéal dans la vie: la Religion et l'on peut dire qu'il l'a pleinement réalisé. Que dire, en
terminant cette étude, de son caractère et comment le situer par rapport aux
catholiques? Concernant
son caractère, deux réflexions viennent à l'esprit: - Une ardeur au travail et une ambition développée par sa famille dès
le début de ses études, ardeur doublée d'une très large culture d'érudit et
d'une très grande capacité de travail lui permettant de multiplier les
activités. - Un homme profondément religieux, d'ordre et de bon sens, très
attaché au respect de la liberté. Notre étude
nous permet de le situer par rapport aux catholiques et de préciser plus
nettement son appartenance à la tendance libérale du catholicisme. Comme les
catholiques libéraux, il fait à l'Histoire une place de choix dans ses études. Comme eux
aussi, sa confiance se fonde sur une fidélité à l'Eglise. Cette double
tendance, d'une ouverture au siècle, d'un historicisme et d'une fidélité
confessionnelle, constitue la profonde originalité des catholiques libéraux. Son activité
se retrouve dans les foyers catholiques traditionnels : son action se retrouve
dans la presse, dans des publications littéraires, dans l'Eglise, à la tribune
et à l'Université. Il écrit des
articles dans " Le Correspondant ',' organe quasi officiel des catholiques
libéraux. L'idée maîtresse de ce journal était de servir de lien entre des
comités de défense des libertés ou des intérêts religieux contre
l'anticléricalisme du régime de Juillet et pour la liberté de l'enseignement.
Henri-Alexandre Wallon y oublie quelques extraits de ses ouvrages et aussi des
recherches entreprises sur des sujets divers. Nous avons
parlé de son activité au sein de l'Université. Celle-ci est alors un foyer
réceptif aux idées catholiques libérales. Il y entretenait un esprit de
rapprochement avec l'Eglise. A son sujet, Rémusat écrivit que, catholique
sincère, il n'abandonnait pas l'Université. Il réclamait la liberté de
l'enseignement catholique. L'une de ses
principales idées était l'usage de la liberté. Nous
laisserons la parole à Mr. Alfred Croiset qui dresse en quelques lignes les traits
principaux de la vie et du caractère d'Henri-Alexandre Wallon: une fidélité en
amitié, sa fidélité pour la Religion, son attachement à l'Université et aussi
son caractère libéral: " Mr Wallon fut Normalien de coeur. Les amitiés contractées alors
ne s'effacèrent jamais. Les différences de tempérament, d'idées religieuses ou
politiques, ne purent les altérer. M. Wallon était dés lors ce qu'il fut
toujours, un catholique croyant et pratiquant. De là, sans doute, un lien plus
intime avec ceux de ses camarades qui pensaient comme lui. Mais cette
différence ne fut jamais qu'une nuance: ils étaient tous de la même famille, et
il y avait entre eux une affinité que rien ne pouvait rompre, qui s'est même
prolongée, par delà les camaraderies personnelles, jusqu'aux générations
suivantes, comme par un droit d'hérédité. Cela tenait certainement à la nature
même du christianisme de M. Wallon, et aussi au caractère profondément
universitaire, dans le vieux sens du mot, de ces promotions de Normaliens. "[159] Henri-Alexandre
Wallon s'éteint dans la nuit du 12 au 13 Décembre 1904. Ce qu'il écrivit, se
sentant alors appelé par Dieu, illustre sa constante fidélité à Dieu: BIBLIOGRAPHIEI - Manuscrits- Relevé de notes sur la famille Wallon-Jannet. 1808-1841 Joseph PETIT
- Archives privées. - Correspondance entre l'abbé Rara et Henri-Alexandre WALLON - 9
Septembre 1834-6 Octobre 1877. Archives privées. - 24 lettres d'H.A. WALLON à Monseigneur DUPANLOUP. Fonds Saint
Sulpice. - Lettres d'H.A. WALLON à Monseigneur. DUPANLOUP. Bibliothèque
Nationale. Dossier A.N.F. - Dossier sur la carrière de professeur d'H.A.WALLON. Série F17 . Archives Nationales. II- Imprimés1 - Ouvrages d'H.A. WALLON- " Qualis fuerit apud veteres ante Christum - De animae
immortalitate doctrina. " Thèse de
doctorat. PARISIS - 1837
- Faculté des Lettres de Paris -in 8°. - " Du droit d'Asyle." PARISIS - 1837
- Faculté des Lettres de Paris -BAILLY - in 8°. - " La Sainte Bible résumée dans son histoire et dans ses enseignements,
" PARIS - 1854-1859
- DIDOT - 2 volumes - in 8°. " 1867
HACHETTE - 2 volumes - in 12°. - " Les Saints Evangiles - Traduction tirée de Bossuet, mise en
ordre par H.A.WALLON, membre de l'Institut. PARIS - 18 55 - DIDOT - 1 volume -
in 8°. PARIS - 1863
- LE CLERE - 2 volumes - in 8°. PARIS - 1873 - avec dessins de Bida gravés à
l'eau forte sous la direction de M. Ed. Hédouin, par Henriette Broxne, MM. Bida,
Bodmer, Bracquemond, etc. 2 volumes
gr. in-folio. - " De la croyance due à l'Evangile; examen critioue de
l'authenticité des textes et de la vérité des récits évangéliques. " PARIS - 1858
- LE CLERE - in 8°. PARIS - 1866 - in 8°. 3 ème
édition sous le titre suivant: - " L'autorité de 1'Evangile-examen critique de l'authenticité
des textes et des récits évangeliques. " PARIS - 1887 - PERRIN - 1 volume
- in 12°. - " La vie de Jésus et son nouvel historien. " PARIS - 1864
- HACHETTE - in 12°. - " La nouvelle vie de Jésus du Doctuer Strauss. " PARIS - 1865
- in 18°. - " Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ selon les quatre
évangélistes. " PARIS - 1902
- HACHETTE - in 12°. - " Abrégé de l'Histoire Sainte-Ancien et Nouveau Testament. " PARIS - 1867 - in 18°. PARIS - 1872 - in 18°. PARIS - 1Î877
- HACHETTE - in 16°. 2 - Discours d'Henri-Alexandre WALLON- Discours prononcé par H.A.Wallon représentant du peuple (Nord) dans
la discussion générale du projet de loi relatif à l'Instruction Publique -
Séance du 19 Janvier 1850 - Paris - Typographie Panckoucke -1850. - Discours prononcés par M. Henri Wallon sénateur. Séances du Sénat
des 23 Octobre et 7 Novembre 1902. Abrogation de la loi du 12 Juillet 1875 sur
l'enseignement supérieur. PARIS - Imprimerie des J.O. -1902 - Extrait du
journal officiel de la R.P. des 24 Octobre
et 8 Novembre 1902. 3 - Imprimés concernant Henri-Alexandre WALLON- Allocution du Président Philippe BERGER - XCI ème anniversaire de la
naissance de M.H. Wallon, secrétaire pemétuel de l'Académie des Inscriptions et
Belles Lettres. Séance du 26
Décembre 1873 - Académie des Inscriptions et Belles Lettres. - J. CLARETIE : " Portraits contemporains: Monsieur Wallon
". PARIS - 1875
- LIBRAIRIE ILLUSTREE. - A. CROISET: Notice sur Wallon (Henri-Alexandre), 1812-1904 -
VERSAILLES - 7 pages. - D. DASTARAC: " Un correspondant d'Henri-Alexandre Wallon: l'abbé
François-Alexis Rara ( 1834-1877 )» 1974 - Mémoire de maîtrise. - M.FALLIERES: Allocution
au Sénat - Séance du 15 Janvier 1904. - M. GRENOT: " Henri-Alexandre Wallon:les fondements et
l'évolution de ses idées - Les motivations de ses activités. " 1973 -
Mémoire de maîtrise. - Discours de Louis HAVET sur H.Wallon. Séance du 18
Novembre 1904 - Académie des Inscriptions et Belles Lettres. PARIS - 1904
- FIRMIN-DIDOT - 24 pages. - G. PERROT : " Notice historique sur la vie et les travaux de
Monsieur Henri-Alexandre Wallon ". Lue dans la
séance publique annuelle du Vendredi 17 Novembre 19G5. PARIS - 1905
- FIRMIN DIDOT - 72 pages. - M. SCHUMANN: " Le secret de Monsieur Wallon ". LÍBRAÍRIES IMPRIMERIES REUNIES. - Dictionnaire universel LAROUSSE du XIX ème siècle. .- Dictionnaire
VAPEREAU. - ROBERT et COUGNY: Dictionnaire des parlementaires français - Tome 5• - Dictionnaire des parlementaires français. Notices biographiques sur
les ministres, députés, et sénateurs français de 1889 à 1940. Tome 8. PARIS - 1977
- P.U.F. 4 - Ouvrages généraux concernant le XIX ème siècle- J. CHASTF.NET: "
Histoire de la III ème République » -L'enfance de la III ème République (1870-1879) 1970. - Georges DUPEUX: " La société française de 1789 à 1960.» PARTS - 196
5 - A.COLIN. - G. HANOTEAUX: " Histoire de la France contemporaine "
PARTS - 1909. - Jean-Marie MAYEUR: "Les débuts de la III ème République, 1871-1898.
" . PARIS - 1973
- SEUIL. 2 54 pages. - R. REMOND: " La droite en France de la 1 ère Restauration à la
V ème République. " 5 - Ouvrages généraux concernant l'enseignement et la question religieuse- MM. GADTLLE et MAYEUR: " Les catholiques' libéraux au XIX ème
siècle." Actes du
colloque international d'Histoire religieuse de Grenoble, des 30 Septembre 3
Octobre 1971• GRENOBLE - 1974 - P.U.G. - 596 pages. - H.X ARQUTLLIERE : " Histoire de l'Eglise " PARTS - 1963 - éd.
de 1»ECOLE - 512 pages. - Paul GERBOD: " La condition universitaire en France au XXX èrne
siècle " PARIS - 1966 - P.U.F. - Tome XXVI. - A. LATRElLLE-r J.R. PALANQUE - E. DELARUELLE - R. REMOND "
Histoire du catholicisme en France " - " La période contemporaine
": Tome III. PARIS - 1962
- S.P.E.S. - A. PROST: " L' enseignement en France 1800-1968 " PARIS - 1970
- A. COLIN - Collection U. 6 - Ouvrages généraux concernant la Religion et la Théologie- Dictionnaire de théologie catholique PARIS - 1903-1972 - - A. HOUTIN: " La question biblique chez les catholiques de
France au XIX ème siècle. " PARIS 1902. - Isaac PICARD: " Les conférences catholiques au XIX ème siècle: Lacordaire
et Ravignan." TOULOUSE - 1871
- A. CHAUVIN - 99 pages. Thèse de
théologie protestante - 1871 - MONTAUBAN. - E. RENAN: " La vie de Jésus ". PARIS - 1867 (I3ème
édition) - LEVY. 7 - Publication de correspondance: privée- OZANAM Frédéric Lettres
publiées avec le concours des descendants d'Ozanam par Léonce Cellier, J.B. Duroselle,
Didier Ozanam. PARIS - 1971
- 1978 - BLOND et GAY - 3 tomes. 8 - Articles
de journaux - " AURORE "-15 Novembre 1904. - " L'UNION " - Dimanche 15 Novembre 1853. article de M| H. de
RIANCEY. - " LA CROIX "
- Jeudi 23 Octobre 1980. Article de
Pierre PIERRARD: " L'année terrible : 1880 ; L'offensive laïque ". -
page 16. - Bulletin de 1'Archidiocèse de ROUEN. n° 48 - 26
Novembre 1904 - " Archidiaconé d'Yvetôt " -Article sur M. Wallon, signé
E.P. Table des matières I -
Les années d'étude et de professorat : leur rapport avec la religion : 1824-1881 b -
L'Ecole Normale : 1831 -1834 2 -
Le professeur : 1834 - 1887 a -
Louis-le-Grand : 1834-1841. Rollin : 1842-1846 b -
Le professeur suppléant à la Sorbonne. II -
L* action militante de l'Universitaire et du Chrétien 1 -
Le débat sur l'enseignement a -
Position de l'universitaire dans le débat sur l'enseignement. b La
liberté de l'enseignement supérieur С - Action du sénateur en faveur: de la:
Religion. a -
l'action militante sociale b -
L'intimité de la vie religieuse I -
LES MOTIVATIONS DE L'ECRIVAIN 1 -
Un goût prononcé pour l'Histoire et en particulier l'Histoire ancienne. 2-
Une motivation apostolique. 3-
Le travail apologétique de la Foi. 3 -
1865: « Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ selon les quatre évangélistes.
" III
- L’apologie de la foi dans l'œuvre d'Henri-Alexandre Wallon. 1 -
" De la croyance due à l'Evangile ". 2 -
"LA VIE DE JESUS ET SON NOUVEL HISTORIEN " 3 _
"LA NOUVELLE VIE DE JESUS DU DOCTEUR STRAUSS " 2 -
Discours d'Henri-Alexandre WALLON 3 -
Imprimés concernant Henri-Alexandre WALLON 4 -
Ouvrages généraux concernant le XIX ème siècle 5 -
Ouvrages généraux concernant l'enseignement et la question religieuse 6 -
Ouvrages généraux concernant la Religion et la Théologie 7 -
Publication de correspondance: privée. [1] Maurice Schumann - "Le secret de Monsieur Wallon" - Librairies-Imprimeries Réunies -page 2. [2] Alfred Croiset - "Notice sur Wallon (Henri-Alexandre)-1812-1904" - CERF - page 2. [3] Lettre adressée à H.A.Wallon par sa sœur Sophie - Mars 1830 - Archives privées. [4] Lettre d'H.A.Wallon adressée à ses Parents - 7 Décembre 1830 - Archives privées. [5] Lettre d'Octobre 1831 - Archives privées. [6] Lettre du 25 Octobre 1831, adressée par H.A. Wallon à Mr. Jannet. [7] Lettre d'H.A.Wallon, adressée à ses Parents le 20 Décembre 1831. [8] Lettre de H.A.Wallon à Mr. Jannet, le 23 Janvier 1833. [9] Cité par Didier Dastarac - " Un correspondant D’H.A.Wallon: l’abbé F.A.Rara "1834-1877. Mémoire de maîtrise - Juin 1974. page 18. [10] Archives nationales. [11] Ibid. [12] Pour plus de détails concernant l'accueil qui fut réservé à cette thèse, se reporter à la deuxième partie de ce mémoire. [13] Paris - Hachette – 1847-1848 et 1879- 3 volumes in 8°. [14] Lettre d'H.A.Wallon adressée à sa sœur Sophie en Mai 1840 - Archives privées. [15] Rapport d'inspection de 1842 - Archives nationales. [16] Lettre du 19 Janvier 1846, adressée par l'abbé Rara à H.A.Wallon - Archives privées. [17] Lettre de Novembre 1838, adressée par H.A.Wallon à ses Parents. Archives privées. [18] Article du Larousse du XIXème siècle - cité par M. Grenot dans :"Henri Wallon - les fondements et l'évolution de ses idées, les motivations de ses activités."- Mémoire de maîtrise - 1973». [19] Cité par M. Grenot dans: " Henri Wallon – les fondements et l'évolution de ses idées, les "\ motivations de ses activités. "- Mémoire de maîtrise - 1 973 • page 112. [20] Alfred Croiset - " Notice sur Wallon (Henri Alexandre) - 1812 -1904. " - Versailles - Imprimerie CERF. [21] Cité par H.X.Arquillière dans " Histoire de l'Eglise " - Paris - Edition de l'Ecole -1963 - page 444. [22] Discours prononcé par H.A.Wallon représentant du peuple (Nord) dans la discussion générale du projet de loi relatif à l'Instruction Publique - Séance du 19 Janvier 1850 - Paris -Typographie Panckoucke - 1850. [23] Ibid. [24] Ibid. [25] Discours du 19 Janvier 1850 - page 3 [26] Ibid., p.7. [27] Ibid., p. 8. [28] Discours du 19 Janvier 1850 - page 12. [29] Ibid., pp. 13 et 14. [30] Discours du 19 Janvier 1850 - page 20. [31] Extrait d'un article du «XIXe siècle" daté du 21 Octobre 1875 - cité par Paul Gerbod dans "La condition universitaire en France au XIXe siècle" - page 549. [32] Notice de G. Perrot - page 42. [33] "Aurore"- 15 Novembre 1904. [34] Discours prononcés par M. Henri Wallon sénateur. Séances du Sénat des 23 Octobre et 7 Novembre 1902. Abrogation de la loi du 12 Juillet 1875 sur l'enseignement supérieur. Paris - Imprimerie des J.O. - 1902 - Extrait du journal officiel de la R.F. des 24 Octobre et 8 Novembre 1902 pages 27 et 28. [35] Journal Officiel des 24 Octobre et 8 Novembre 1902 - page 29. [36] Lettre de Février 1841 - Archives privées. [37] Lettre du 11 Avril 1841, adressée par H.A. Wallon à son Père - Archives privées. [38] Mgr. Baunard - "Frédéric Ozanam d'après sa correspondance " - Paris - J. de Gigord -• 19,13 _ 3ème ed. - page 128. [39] "Lettres de Frédéric Ozanam" - Edition critique sous la direction de Didier Ozanam - C.N.R.S. CELSE - Paris - 1978 - Tome 3: "L'engagement 1845-1849" - page 325. [40] Ibid., p. 574. [41] «Lettres de Frédéric Ozanam" - Tome 3 - page 603. [42] Lettre du 22 Décembre 1829, adressée par Madame Wallon à sa fille Sophie. Archives privées. [43] Lettre du 7 Août 1833, adressée à H.A.Wallon par sa Mère. Archives privées. [44] Archives privées - Lettre du 1er Février 1838. [45] Lettre du 23 Mai 1838, adressée par H.A.Wallon à son Père - Archives privées. [46] Lettre du 24 Septembre 1838 - adressée à H.A. Wallon par l'abbé Rara - Archives privées. [47] Lettre de Marie et Adèle à leur Père - 25 Décembre 1851 - Archives privées. [48] Ibid. [49] Lettre du 2 Février 1860, adressée à H.A.Wallon par l'abbé Rara - Archives privées. [50] Lettre du 2 Février 1860 - Archives privées. [51] Lettre du 8 Avril 1860, adressée à H.A.Wallon par l'abbé Rara - Archives privées. [52] Lettre du 13 Septembre 1840, adressée à H.A.Wallon par l'abbé Rara - Archives privées. [53] Bulletin religieux de 11archidiocèse de Rouen -n° 48 - 26 Novembre 1904 - Article intitulé: "Archidiaconné d'Yvetôt" et signé E.P. pages 1180-1181-1182. [54] Archives privées. [55] Lettre du 7 Mai 1830, adressée à H.A.Wallon par sa sœur Sophie. Archives privées. [56] Archives privées. [57] Archives privées. [58] Paul GERBOD:" La condition universitaire en France au XIXème siècle"- Paris- P.U.F- 1966. P.121. [59] Paris- 1837- in 8°. [60] Paris- 1837- in 8°. [61] Lettre du 1er Août 1837 adressée à ses Parents. [62] Correspondance Dupanloup-Wallon- Fond Saint Sulpice. [63] H.A.Wallon:" Abrégé de l'Histoire Sainte (Ancien et Nouveau Testament) "- Paris- Hachette-1877- in 16- Préface p. XII. [64] « La condition universitaire en France au XIXème siècle » - P. 120. [65] Paris- Adrien Le Clère- 1858- in 8°- Avertissement P'III* [66] Paris- Didot- 1855- in 8°-2 volumes Paris- Adrien Le Clère- 1863 in 8°- 2 volumes- 2è éd [67] Paris- Hachette- 1864- in 12- 2 ème édition. [68] E. Renan- Michel Lévy Frères- 1867- in 8°- 13ème édition. 541 pages. [69] Jules Claretie - " Portraits contemporains - M. Wallon " - Paris - Librairie illustrée - . 1875 - page 11. [70] Paris- Pillet fils- 1865- 53 pages. [71] Georges Perrot : « Notice historique sur la vie et les travaux de M. Henri-Alexandre Wallon" Paris- Firmin-Didot- 1905- 72 pages page24. [72] page 10. [73] Lettre du 7 Octobre 1835, adressée à Henri-Alexandre Wallon par l'abbé Rara. [74] Ibid. [75] Ibid. [76] Ibid. [77] Ibid. [78] Ibid. [79] Ibid. [80] Ibid. [81] Ibid. [82] Ibid. [83] Ibid. [84] Ibid. [85] Ibid. [86] Ibid. [87] Ibid. [88] Ibid. [89] Ibid. [90] Lettres du 17 Novembre 1835 - Archives privées. [91] Lettre du 2 Décembre 1836, adressée à Henri-Alexandre Wallon par l'abbé Rara. [92] Ibid. [93] Lettre du 26 Juillet 1836, adressée par Henri-Alexandre Wallon à ses Parents. Archives privées. [94] Archives privées. [95] Lettre du 17 Novembre 1835, adressée à Henri-Alexandre Wallon par l'abbé Rara -Archives privées. [96] Lettre du 15 Juin 1836, adressée à H.A.Wallon par l'abbé Rara - Archives privées. [97] Page 10. [98] Thèse présentée â la Faculté des lettres de Paris- Paris - 1837 - 122 pages. [99] Lettre du 17 Novembre 1835, adressée à H.A. Wallon par l'abbé Rara. [100] édition 1837 – pages 1 - 2 - 3 . [101] édition 1837 - page 3. [102] Édition 1837 - page 36. [103] Ibid., page 43. [104] Ibid., page 109. [105] Ibid. [106] Ibid., pages 109-110. [107] Archives privées. Mr. Villemain (1790-1870): chargé de la chaire de littérature française à la Sorbonne (1816-1830). Mr. Jouffroy (1796-1842): professeur de philosophie moderne. [108] Archives privées. Mr. Le Clerc (1789-1865): Doyen de la Faculté de Paris. [109] Cité par M. Grenot - page 92. [110] Paris - 1854-1859 - 2 volumes in 8°.Paris - Hachette - 1867 - 2 volumes in 12. C'est à cette seconde édition que nous nous référerons ici. [111] Tome premier - page X. [112] Ibid., page XI. [113] Edition 1867 - Tome premier - page XV. [114] Ibid., page 151. [115] Paris - 1867 - in 18°. Paris - 1872 - in 18°. Paris - Hachette - 1877 - in 16 °. C'est à cette dernière édition que nous nous référerons ici. [116] Page VIII. [117] Page IX. [118] Cité par M. Grenot - page 152. [119] Nombreuses éditions, en latin, en français, une traduction en espagnol. Nous nous réfèrerons ici à l'édition de 1902 - Paris -Hachette. [120] Archevêque de Bourges - page II. [121] Cardinal de Bonald, archevêque de Lyon. [122] Monseigneur Henri, Cardinal de Bonnechose, Archevêque de Rouen, page III. [123] Monseigneur J.P., Evêque de Coutances et d'Avranches- page VI et VII. [124] Nous renvoyons aux pages I à XVI de l'ouvrage pour une lecture plus approfondie de ces nombreux éloges et approbations. Paris - Hachette 1902. [125] Page XII. [126] Page 250. [127] Lettre du 19 Septembre 1854 - Archives privées [128] Paris - F.Didot - 1855 - in 8°. Paris - Le Clere - 1863 - in 8° - 2 volumes. Paris - Hachette - 1873 - 2 vol. gr. in folio. Nous nous référerons ici à l'édition de 1863. [129] Préface de la première édition dans l'édition de 1863 - Tome premier - page XIII. [130] Lettre du 2 Avril 1855, adressée par l'abbé Rara a Henri-Alexandre Wallon. [131] Préface de la première édition dans l'édition de 1863 - Tome premier - page XXX. [132] " L’Union " - Dimanche 15 Novembre 1857 - article de Mr. H. de Riancey. [133] cité par Didier Dastarac - " Un correspondant d'H.A. Wallon: l'abbé François-Alexis Rara "'-1834-1877 - Mémoire de maîtrise - 1974 - p. 93 [134] Paris - Le Clere - 1858 - in 8°. Paris - 1866 - in 8°. Paris - 1887 - in 12° - sous le titre:"L'autorité de l'Evangile, examen critique...." Nous nous référons à l'édition de 1858. [135] page 78. [136] Page 79. [137] page 98 -99. [138] Paley : " Horae Paulinae ", ou "La vérité de l'histoire de Saint Paul". "'Evidences of Christianisme ". Lardner : " Credibility of the Gospel ". [139] Pages 174-175. [140] Page 226. [141] Paris - Hachette - 1864 - 2 éditions - in 12° ; in 16° [142] Page 39. [143] Page 81. [144] Paris - Hachette - 1854-1859 - Tome 1 - P. 483 à 510 - 111-12 - " La Rédemption ". [145] page 144. [146] Pages 159-160-161. [147] Page 206. [148] Page 46. [149] Latreille - Palanque - Delaruelle-Rémond, "Histoire du catholicisme en France" - S.P.E.S. Paris - 1962 - Tome 3 - Livre 5 - page 376. [150] Page 215. [151] Paris - Pillet – 1865. [152] Critique citée par H.A.Wallon dans " La nouvelle vie de Jésus du docteur Strauss ". Page 5 [153] Page 9. [154] Introduction de Strauss dans: « La vie de Jésus. " [155] Page 25. [156] Page 51. [157] Alfred Croiset - " Notice sur Wallon (Henri-Alexandre) - 1812-1904 - " - Versailles - Imprimerie CSRF. [158] Louis Havet - Discours prononcé à l'occasion de la séance du 18 Novembre 1904 - Paris - Firmin Didot -1904 - pages 4-5. [159] Alfred Croiset - "Notice sur Wallon (Henri-Alexandre). 1812-1904". pages 1.2. |